Ce serait comme retrouver une aiguille dans une botte de foin, ou chercher un timbre poste sur un terrain de foot. Les analogies ne manquent pas pour décrire ce qui pourtant représente 5 fois la superficie de la France : une île de déchets plastiques, située au nord de l’Atlantique Nord, dans la mer des Sargasses. Celle qui intéresse l’expédition « 7ème continent » dirigée par le navigateur Patrick Deixonne dont le départ est prévu en mai 2014. Elle a pour objectif de ramener sur terre les preuves d’une pollution désastreuse pour les océans et l’éco-système. Ces plaques de détritus ont leur alter ego dans le Pacifique. Là aussi se retrouvent concentrés 10 millions de tonnes de déchets jetés chaque année dans l’océan.
La mer des Sargasses est un lieu peu fréquenté par les navires, il faut être un navigateur égaré pour tomber par hasard sur cette poubelle flottante. Transportés des décharges à ciel ouverts, tombés des bateaux, puis entraînés par les courants marins, les plastiques s’agglutinent, se décomposent, formant une soupe informe. En effet, sous les effets conjugués de la mer, du soleil, et des années, le plastique se fractionne en micro-particules. Parfois plus petites que du plancton. Ce qui fait de cet amas de plastique un continent fantôme, à retrouver, à observer, et à étudier. Pour atteindre ce lieu, en seulement quatre semaines, l’équipage de Patrick Deixonne a donc besoin d’un guide hors pair.
Une île invisible : sauf pour Mercator Ocean

C’est là que Mercator Océan, le cerveau européen de l’étude des courants océaniques, monte à bord de cette expédition. Arrimée à Toulouse, dotée d’équipements techniques et d’un savoir-faire uniques, l’équipe de Mercator sera la lunette d’observation high tech du navigateur Patrick Deixonne. « Mercator, c’est notre GPS, ce sont des spécialistes de courantologie, ils sont capables de nous emmener sur le spot grâce à leur simulateur. » explique Gilles Broise, en charge de la communication de l’expédition "7ème continent".
C’est que l’océan, est un lieu en perpétuel mouvement rappelle Pierre Bahurel, directeur de Mercator Ocean. « Les variations de courants déplacent les plaques de plastiques. L’expédition a besoin de notre capacité à réaliser des prévisions océaniques en temps réel. Avec nos modèles numériques, nous remontons également le temps pour comprendre, en fonction des saisons où se trouvent les déchets. C’est un phénomène peu connu et peu observé. C’est un vrai défi, qui a du sens, parce qu’il est urgent de ramener sur terre la preuve de cette pollution. »
Un documentaire sur l’expédition

C’est de la terre justement que doit venir la prise de conscience souligne Gilles Broise. Cette gigantesque soupe de plastique, « finit dans l’estomac des poissons, des tortues, et dans nos assiettes. C’est tout simplement la chaîne alimentaire. Alors, si vous jetez un gobelet du haut du Pic du Midi, il atterrira dans l’océan. Et ce geste est irréversible, puisque nous n’avons aucun moyen technique de récupérer ces déchets en mer. Ils sont devenus quasi-invisibles, donc irrécupérables. »
L’équipage, qui bénéficie également d’un partenariat avec le Cnes, la Nasa, et la Noaa, - La National Oceanic and Atmospheric Administration est l’agence américaine responsable de l’étude de l’océan et de l’atmosphère - sera suivi suivi par des collégiens et des lycéens de tous pays dans le cadre du programme Argonautica.
La mission "7ème continent", portée par l’association guyanaise Océan Scientific Logistic (OSL ), fera l’objet d’un documentaire. Pour que l’île de plastiques ne soit pas réservée aux scientifiques, aux explorateurs et aux écologistes, mais atteigne le grand public. Déjà, en 1870, le Nautilus, sous la plume de Jules Vernes, traversait cette mer des Sargasses. Il y voyait alors une « réserve précieuse que prépare la prévoyante nature pour ce moment où les hommes auront épuisé les mines des continents. » Jules Vernes n’aura pas anticipé l’ère du plastique, et n’imaginait pas que l’humanité verserait ses déchets dans la mer des Sargasses.
Virginie Mailles Viard
Sur la photo : Claire Pusineri et Patrick Deixonne, de l’expédition 7ème continent, récupèrent un filet à plancton. Photo 2 / Des crustacés attachés à un macro-déchet. Copyright S.Lardeux/OSL. Photo 3/ Pierre Bahurel, directeur de Mercator Océan. Copyright Rémi Gabalda. Photo 4/ La soupe de plastique.
Pour en savoir sur l’expédition « 7ème continent » : http://www.septiemecontinent.com/#!