Willy Luis, vous prenez la tête d’une structure jeune. Quel est votre chemin jusqu’ici ?
J’ai commencé ma carrière dans les Alpes, à Méribel, sur des sujets de sécurité et de préservation de l’environnement en station de ski. Depuis, l’idée de travailler pour la montagne ne m’a jamais quitté. Ma trajectoire m’a conduit vers la fonction publique territoriale, où j’ai été directeur général des services du Département du Lot pendant treize ans. En 2020, j’ai pris la tête de Rives & Eaux du Sud-Ouest, ex-CACG, basé à Tarbes. En mai dernier, les financeurs et partenaires de l’Agence des Pyrénées m’ont proposé de succéder à Domitien Détrie. J’ai immédiatement accepté : l’Agence des Pyrénées est un outil unique en France, et encore plus précieux dans un massif aussi authentique et riche de potentiel que les Pyrénées.
Qu’est-ce qui rend cette agence singulière ?
L’Agence des Pyrénées combine deux grandes missions. D’un côté, l’accompagnement du développement du massif : nous soutenons environ soixante-dix projets par an – dans le tourisme, l’agriculture, l’artisanat, l’industrie… – mais aussi des filières entières comme la laine, le thermalisme ou le vélo. De l’autre, la valorisation et la promotion du massif, à travers la marque Pyrénées et de grands temps forts comme Pyrénéo, qui réunit chaque année plusieurs centaines d’acteurs. Cette double compétence, développement et communication, n’existe pas ailleurs.
Le changement climatique bouleverse l’avenir de la montagne. Comment l’agence aborde-t-elle cette transition ?
Il est clair qu’il y aura moins de neige dans les décennies à venir, et donc moins de ski. Mais cela ne doit pas être vécu uniquement de manière anxiogène. Nous pensons que les Pyrénées vont devenir de plus en plus attractives, pour des touristes qui viendront chercher autre chose que la neige, mais aussi pour des habitants désireux de s’installer dans un territoire préservé et porteur d’identité. Le grand défi, c’est de structurer cette transition, d’accompagner élus, acteurs économiques, mondes agricole et associatif. C’est là que l’agence a un rôle clé.
Les Pyrénées sont aussi un territoire de fortes personnalités et parfois de tensions : ours, pastoralisme, ski… Comment fédérer ces acteurs ?
C’est vrai, mais c’est le lot de tous les territoires. Notre rôle est précisément d’être le lieu de rencontre de ces acteurs très différents – collectivités, État, Europe, stations, associations… – et de construire des compromis. Par exemple, nous développons la filière vélo, qui est un formidable levier d’attractivité, mais en veillant à préserver l’équilibre avec le pastoralisme dans les estives. Nous travaillons aussi à redonner de la valeur à la laine, très peu exploitée aujourd’hui. Il ne s’agit pas d’opposer les filières, mais de trouver les équilibres.
Quels sont aujourd’hui les grands chantiers à venir ?
Un enjeu majeur, c’est l’hébergement. Nous avons à la fois un déficit quantitatif et qualitatif : trop peu de logements disponibles, et une offre qui ne répond pas toujours à la demande. Nous allons coorganiser avec l’État une conférence sur ce sujet dès cet automne. Autre chantier : la connaissance du massif, grâce à un observatoire territorial que nous développons. Il permettra de mieux comprendre qui vit dans les Pyrénées, quelles activités s’y développent, comment elles évoluent… C’est essentiel pour ajuster nos stratégies.
Comment avez-vous trouvé l’agence en arrivant ?
C’est un outil jeune, de moins de cinq ans d’existence, mais déjà solide, reconnu, avec une équipe de douze personnes extrêmement engagées et compétentes. Je n’arrive pas sur une page blanche, mais sur une dynamique qu’il faut prolonger et amplifier. Avec un budget de 2 millions d’euros par an, nous sommes mobilisés sur nos deux missions, développement et promotion, à l’échelle de tout le massif.
Et dans dix ans, à quoi ressemblera l’Agence des Pyrénées ?
Je ne me risque pas à cette projection aujourd’hui. Ce que je sais, c’est que seule, l’agence n’y arrivera pas. En fédérant largement, oui. Notre valeur ajoutée, c’est d’organiser la coopération à l’échelle du massif pour que chacun – vallées, départements, régions, côtés français et transfrontalier – avance dans la même direction tout en respectant les spécificités locales.
Propos recueillis par Valérie Ravinet
Sur la photo : Willy Luis, nouveau directeur de l’Agence des Pyrénées. - Crédits : Agence des Pyrénées.