Implanté en France depuis l’Alsace en 2012, le mouvement des Incroyables Comestibles, IC pour les avertis, essaime en Midi-Pyrénées depuis deux ans. Si à Toulouse, Alice Thouvenin a initié le premier jardin à partager avec ses 200 pieds de tomate plantés le long du Canal du Midi, Graulhet, Albi, Castres et Gaillac ont rejoint l’utopie potagère.
Partout le même principe : partager l’abondance dans un esprit d’entr’aide tout en recréant de la cohésion sociale. L’agro-écologie comme précepte, la ré-appropriation de l’espace public en bandoulière. Né à Todmorden en Angleterre en 2008, l’initiative Incredible Edible s’étend aujourd’hui sur tous les continents. Au gré de la crise économique. Et de cette révolution douce et citoyenne qui incite les populations à se pencher sur des systèmes alternatifs pour résister au modèle imposé.
Non organisé, le mouvement des Incroyables Comestibles en Midi-Pyrénées se met en place dans des conditions variées mais au final, efficaces. Là, à Rabastens dans le Tarn, un bac devant une maison et une pancarte fichée « Nourriture à partager ». À Albi, une parcelle conséquente qui jouxte l’Université Champollion, ou à Gaillac des bacs semés au milieu de tel ou tel quartier.
Toujours la même invitation « Nourriture à partager. Servez-vous ! » Qu’elle soit individuelle ou définie au sein d’une association, l’initiative interroge tout d’abord : « Souvent les gens n’osent pas se servir » rapporte Alice Thouvenin. L’injonction surprend, comme si le don n’allait plus de soi. Mieux, certains passants s’inquiètent de ces légumes qui pourraient être volés ! « Il faut beaucoup en parler et expliquer la démarche » confie Marylou Molinier, à l’origine du projet gaillacois.
Une gratuité qui interroge
De fait, les IC courent les événements de rue, vide-greniers, vide-jardins et autres festivals, pour exposer leurs plants et leurs bacs. Des actions pédagogiques pour porter des idées qui se révèlent ne plus être une évidence : l’entr’aide et le partage, fondement du lien social dans les communautés villageoises d’autrefois.
Au point qu’il leur faut parfois négocier avec les municipalités, toute couleur confondue, pour installer leurs plantations et rassurer les professionnels qui pourraient craindre pour leur business : « Je suis allée voir les maraîchers du coin pour leur démontrer que notre action était sans conséquence pour leur commerce » raconte Marylou Molinier. Laquelle transmet son enthousiasme et récolte même quelques dons de graines et de plants pour l’occasion.
Au fil des campagnes, la deuxième pour la plupart des IC midi-pyrénéens, les projets se structurent pour permettre leur longévité : « Comme ce n’est pas pour soi, c’est plus contraignant de s’y tenir. Un potager, c’est du travail au quotidien » rappelle Alice Thouvenin qui a créé "Partageons les jardins" pour asseoir le concept. Un constat qu’a fait aussi Marylou Molinier l’an dernier : « Un monsieur nous avait prêté un bon bout de terrain. Or nous n’étions que deux pour le cultiver. J’ai compris qu’il fallait envisager une autre façon de procéder pour pérenniser l’expérience ».
Une association est créée, la mairie sollicitée, et l’on opte pour des bacs parrainés et disposés dans l’espace public. À charge pour le parrain ou la marraine de faire savoir que ce bac existe, qu’on peut y cueillir de quoi manger, et qu’il faut aller arroser de temps en temps. Chaque fois l’initiative d’une personne devient expérience collective. Internet comme outil incontournable de ce jardinage « nouvelle bouture » pour relier les adhérents et relayer l’information. La nature n’étant pas avare, ne reste plus qu’à partager l’abondance.
Nathalie Malaterre
Sur la photo : le bac des Incroyables Comestibles de Gaillac implanté devant le garage solidaire. Photo NM