C’est sur le plateau du Lévézou, entre Millau et Rodez, que Vincent et Pierre-Marin Fabry ont grandi, sur l’exploitation familiale. Fils d’éleveurs et fiers de l’être, ils sont aujourd’hui à la tête de l’entreprise Fertilaine. Objectif : valoriser la laine issue de la tonte des moutons en la transformant en engrais naturel. « Nos parents ont eu cette idée en 2018-2019. Nous avons lancé l’activité en 2022 avec mon père, décédé en début d’année, et mon frère », explique Vincent Fabry. L’idée est finalement assez simple : la laine est déshydratée, broyée et transformée en granulés semblables à des pellets de bois. « Un procédé qui ne nécessite ni eau ni produits chimiques », précise le cofondateur de Fertilaine. Une fois mélangés à la terre, ces granulés, qui contiennent de l’azote, constituent un excellent engrais.
« C’était dommage de ne pas valoriser cette matière noble, qui est considérée comme un déchet », pointe Vincent Fabry. Selon lui, avant la crise du Covid, 80 à 90 % de la laine étaient expédiés en Chine. Aujourd’hui, moins de 5 % des volumes sont recyclés en France, alors que la tonte a un coût, comme le rappelle le fils d’éleveurs. « C’est en moyenne 1,50 euros par an par brebis, pour un revenu nul. » Sur leur commune, les fermes peuvent fournir 50 tonnes de laine chaque année et, de manière plus large, sur le bassin de Roquefort, dans un rayon de 150 kilomètres, « ce sont 1500 tonnes par an qui sont disponibles, sans aucun risque de pénurie », précise le cofondateur de Fertilaine. « Nous, pour chaque kilo de Fertilaine vendu, on s’engage à reverser entre 20 et 30 centimes aux éleveurs », assure l’entrepreneur aveyronnais.
Séduire les distributeurs
Cet engagement est au cœur de la démarche de Fertilaine. « Nous voulons à la fois lutter contre le gaspillage, soutenir l’élevage aveyronnais et participer à une agriculture plus durable », insiste Vincent Fabry. Il regrette d’ailleurs d’avoir dû faire appel à un sous-traitant allemand pour la transformation, en raison de la législation européenne. « À terme, l’objectif est d’internaliser la production, mais nous avons dû en passer par là pour lancer l’activité. L’hygiénisation de la laine est pour l’instant très compliquée en France, c’est pourquoi nous voulons alerter le législateur sur les bénéfices environnementaux et économiques de notre démarche. »
En attendant, leur produit à déjà convaincu les particuliers. En mars 2023, une campagne de financement participatif a permis à Fertilaine d’engranger 1500 précommandes, bien au-delà de leurs ambitions initiales. Une manière d’attirer l’attention, mais aussi de se constituer un réseau et de s’appuyer sur les premiers retours pour faire évoluer les choses. « En 2024, nous allons être référencés auprès de plusieurs distributeurs, comme les jardineries, les pépinières, etc. Nous visons d’abord l’Occitanie, avec des particuliers qui ont des potagers, et si possible les fleuristes de la région parisienne. »
Et Fertilaine ne compte pas s’arrêter là. Si des tests, réalisés avec l’école Montpellier SupAgro, ont prouvé que ces copeaux de laine, très absorbants, permettent 25 à 30 % d’arrosage en moins, les deux frères ont engagé un travail avec l’école d’ingénieurs de Purpan, à Toulouse, pour la création possible de nouveaux produits. « 2024 sera une année référence pour nous », estime Vincent Fabry, heureux d’aider à recréer de la valeur sur son territoire.
Paul Périé
Sur les photos : La laine est transformée en granulés d’engrais conditionnés ensuite en sacs pour les particuliers. Crédit : Fertilaine.