« L’ambition est de mettre fin au tout-pétrole ». L’objectif est clair et ambitieux. Le consortium Compagnie industrielle de la matière végétale (CIMV) veut mettre au point le bioéthanol de seconde génération pour « l’usage industriel ». Avec le Toulouse white biotechnology (TWB), structure de démonstrateur pré-industriel, « le verrou technologique » pour l’élaboration du bioéthanol de cette deuxième génération a sauté, explique Michel Delmas, le directeur scientifique du consortium. La CIMV réunit sept entreprises, comme Taurus Energy basée en Suède, ou encore encore la société française Critt bio-industries.
Pour concevoir ce nouveau biocarburant, la CIMV a mis au point un procédé inédit de séparation permettant de traiter tout type de résidu de matière végétale non alimentaire. Ainsi, de la paille de riz à la tige de maïs en passant par la bagasse de canne à sucre, sauf pour le « bois résineux », la lignine qui est l’élément chimique au cœur de la recherche du consortium pourra être extraite de manière « pure » et sans « impact négatif sur le plan environnemental », étaye encore le chimiste Michel Delmas. Cette lignine, brevetée sous le nom Biolignine, est un bio-polymère issu de cette biomasse, c’est ce qui apporte le caractère rigide et l’imperméabilité à l’eau de la matière végétale. Ce qui correspond à la tige de la plante.
Cette séparation des composants de la biomasse élaborée par la société va permettre, par exemple, à partir d’une tonne de matières végétales non alimentaires de produire 360 litres d’éthanol, là où les procédés classiques permettent 240 litres.
Par ailleurs, le procédé de séparation permet sur une tonne de matières végétales d’extraire 490 kg de cellulose (la pâte à papier), 220 kg d’hémicellulose (des sucres pouvant être employés comme agents texturants ou tannants dans l’alimentaire animalier) et 250 kg de lignine, ce composant de la biomasse qui sera le produit phare de la société CIMV. Il pourra contribuer à remplacer les dérivés du pétrole pour des utilisations comme les résines phénoliques, les polyuréthanes mais aussi le noir de carbone pour les caoutchoucs. Pour ce « produit révolutionnaire », qui doit « réduire massivement les émissions de gaz à effet de serre », assure la CIMV, le marché mondial est estimé à 100 millions de tonnes. Aujourd’hui, une tonne d’éthanol est vendue 700 euros dans le monde.
***Produire annuellement 700 tonnes de bioéthanol

« Dans cette démarche d’écologie industrielle » prônée par la société, un site de deux hectares doit voir le jour aux Portes du Tarn, à une vingtaine de kilomètres de Toulouse. L’usine-pilote qui ouvrira en 2017 se fixe l’objectif de traiter 24 tonnes de biomasse par jour et de produire annuellement 700 tonnes de bioéthanol et 750 tonnes de lignine.
Ce projet, soutenu financièrement par l’Union Européenne à hauteur de vingt millions d’euros pour un investissement total de 60 millions d’euros, emploiera quinze nouveaux emplois à temps plein. C’est avec la mise à disposition des plateaux techniques du partenaire TWB que le consortium affiche sa volonté d’industrialisation à grande échelle avec le traitement de mille tonnes de biomasse par jour courant 2018.
Kevin Figuier
Sur la photo : Forêt dans le Tarn. De g. à d. : Pierre Ponsan, directeur et fondateur de Toulouse White Biotechnology ; Michel Delmas, directeur scientifique de la CIMV et Thierry Scholastique, directeur général de la CIMV - Photos Kevin Figuier - ToulÉco