Gaël Plumecocq, quel économiste êtes-vous ?
Je me définis comme un économiste écologique, du nom du courant de pensée international né à la fin des années 80. Mon travail scientifique s’organise autour de trois grandes questions. D’abord, celle des limites planétaires qui, une fois franchies, le sont de manière irréversible à l’échelle du temps humain. Les économistes ont souvent tendance à adopter une approche fonctionnaliste des écosystèmes ; je pense au contraire que les écosystèmes ont aussi une valeur par eux-mêmes, et pas seulement par les fonctions qu’ils assurent. Prenons l’exemple des abeilles. Certains économistes estiment que leur disparition n’est finalement pas si catastrophique, puisqu’on a d’autres solutions pour remplacer leurs fonctions pollinisatrices, à l’aide de drones par exemple. On oublie alors tout ce que l’abeille représente, elle est témoin de la biodiversité, elle agit en interdépendance avec d’autres espèces, etc.
La seconde posture est d’ordre politique et morale. Nous savons que les limites existent, donc qu’on ne peut pas tout faire, et tout ne se vaut pas. Là encore, certains économistes estiment que tous les besoins se valent et qu’il revient aux individus d’établir une hiérarchie de leurs propres besoins. L’exemple typique, c’est celui du voyage du milliardaire à l’autre bout de la planète pour tester un produit. Or, nous vivons dans un monde fini, aussi convient-il de nous mettre collectivement d’accord sur ce qui est fondamental de ce qui ne l’est pas : la santé, l’éducation…
Le troisième aspect réside dans une posture critique des solutions vantées par certains. Sont-elles efficaces ? Sont-elles justes ? Le scientifique doit endosser un rôle civil, un rôle d’utilité sociale dans le débat public.
Quels sont les sujets que vous abordez dans vos travaux ?
Mes travaux portent sur des thématiques variées et très différentes les unes des autres. Par exemple, la gestion quantitative de l’eau, la question de la valeur de la biodiversité ou encore l’évaluation des politiques publiques locales en matière d’agroécologie… La question récurrente est celle de la valeur que l’on accorde à la nature, à la biodiversité. Ces questions sont pilotées par la sphère politique qui s’appuie sur les travaux d’experts scientifiques pour ajuster ces valeurs et adapter les réglementations.
Quel regard posez-vous sur les thématiques retenues pour cette édition de 123 Climat, c’est-à-dire les solutions bas carbone en matière de construction, de transport, d’alimentation et de finance ?
Ce sont de bons sujets de travail, car si l’on regarde les chiffres, ce sont les secteurs économiques qui émettent le plus de gaz à effet de serre. À la précaution près qu’il convient de raisonner de manière globale, et non en silo. Le transport n’est pas déconnecté de la construction ou de l’alimentation, il faut relier tous les thèmes ensemble. On a bien conscience que l’objectif fixé par les Accords de Paris de réduire de 10 à 2 tonnes par an et par habitant les émissions de CO2 à horizon 2050 ne relève pas de la seule action individuelle, c’est une action collective qui se joue, impliquant les citoyens, la sphère publique et la sphère privée. Si on se place à un niveau macro-économique, la finance est un levier fondamental pour amorcer une transition et amortir les chocs liés à la décroissance. Il va y avoir une période d’ajustement. C’est le système d’investissement des banques qui doit évoluer, car pour l’instant elles garantissent collectivement des dettes incompatibles avec l’objectif de décarbonation de l’économie.
Propos recueillis par Valérie Ravinet
Sur la photo : Gaël Plumecocq, économiste à l’Inrae. – Crédits : Hélène Ressayres - ToulÉco.
Agenda
Retrouvez les équipes de la région Occitanie au salon 123 Climat, le mardi 05 mars 2024 de 08h30 à 17 heures, de la CCI Toulouse Haute-Garonne, 2 rue d’Alsace Lorraine à Toulouse. Entrée gratuite sur inscription : https://www.linscription.com/pro/activite.php?P1=166993
