Alors que cette filière naissante cherche à se structurer, elle est apparue lors de cette réunion nationale très en demande d’un cadre légal clair, de soutiens financiers à la mesure des enjeux, et d’un accompagnement politique fort. Les deux journées nationales du 7 et 8 novembre derniers consacrées aux pionniers du biogaz en France ont permis d’identifier les freins, et d’éclairer les ambitions énergétiques, notamment en région Midi-Pyrénées.
Philippe Martin, ministre de l’Écologie et du Développement Durable, l’a annoncé en avant-première, la région Midi-Pyrénées, « en pointe dans le domaine de la méthanisation avec ses 17 unités en fonctionnement, et ses 80 projets à l’étude », sera pilote dans « l’expérimentation de simplification de procédure. »
La méthanisation : le retard français
En ces temps de transition énergétique, la méthanisation a tout pour plaire : elle permet d’éliminer les déchets, de les recycler, de produire des engrais vertueux et une énergie renouvelable. Ces atouts sont largement valorisés en Allemagne qui compte 8000 méthaniseurs sur son territoire, ou encore en Asie qui a développé le processus à grande échelle avec des centaines de milliers de foyers équipés de digesteurs. La France, elle, compte 350 unités. Elle prévoit 4 milliards d’euros d’investissement d’ici 2020, et la création de 16.000 emplois.
Une filière en mal de financements
La filière biogaz, encore immature en France, bute sur la réglementation et a du mal à trouver des financements. De plus, les porteurs de projets d’unité de méthanisation doivent lutter contre un système de lois complexes et parfois contradictoires. Conséquences : le temps de réalisation des unités est un frein sérieux, puisqu’il faut en moyenne cinq ans pour en voir le bout. « Le cadre réglementaire et sanitaire, les contraintes de construction peuvent décourager », constate Antoine Jacob, président du club Biogaz Atee [1]. « Mais nous sommes une filière récente, qui sort de l’anonymat. Nous n’avons pas encore défini de schéma de développement... Nous avons la volonté, la motivation, et un savoir-faire pointu, mais pas de règles précises. »
Un processus complexe
Pour Eric Lecomte, directeur du département énergies renouvelables à la Caisse des dépôts, « la méthanisation est un processus complexe, avec des modèles différents. Nous n’avons pas atteint la rentabilité dans une seule des opérations où nous sommes investisseurs. Il faut avoir la volonté chevillée au corps pour se lancer. Qui veut financer ce risque industriel ? ».
« C’est toute la complexité d’une matière vivante », estime de son côté Christine Delamarre, directrice générale déléguée d’Unifergie, la filiale de financement dédiée du Crédit Agricole. « Il faut concevoir un projet à partir d’un gisement, l’évaluer, sans savoir à l’avance ce que l’on pourra en sortir. C’est fragile, et difficile à financer. Les projets ont du mal à trouver un équilibre. » Mais le principe de la méthanisation, « c’est une panse de vache reliée à un tracteur. C’est simple pourtant » estime Christian Couturier, directeur de Solagro, une association d’études et de conseils dans le domaine du développement durable.
Quel marché de la transition énergétique pour notre territoire ?
En fait, le principe de la méthanisation repose sur l’utilisation de déchets existants. Paradoxalement, l’Allemagne, premier méthaniseur au monde avec les États-Unis, produit du déchet pour faire du biogaz. Elle y consacre environ 800.000 hectares de sorgho et de maïs, cultures fortement méthanogènes. Une politique rejetée sur notre territoire, qui envisage par contre des cultures de valorisation dites intermédiaires. L’une des interrogations de la filière repose sur ce que l’on met dans le méthaniseur pour produire un biogaz adéquat. « Pour l’instant on tâtonne, et on se sent bien isolés dans cette recherche », explique un agriculteur.
Se tourner vers les petites installations
Nombreux sont les particuliers à s’intéresser à la façon de produire à leur échelle, mais la réponse est « regroupez-vous ». Le biogaz, énergie alternative se prête pourtant à la démarche autarcique. C’est ce que souligne un entrepreneur : « Il faut faire des études d’opportunités sur les petites installations, qui ont un système économique viable, au lieu du système agricole intensif qui montre ses limites. » Le président du conseil régional Midi-Pyrénées Martin Malvy ne tourne pas le dos à ce scénario, et rappelle que « les critères sont faits pour évoluer... Nous nous adapterons au terrain. »
Fédérer pour avoir une filière, et trouver une voie sûre et certaine pour le monde agricole... C’est ce qu’appelle de ses vœux Antoine Jacob. Il propose la création d’une commission de suivi qui aurait pour objet de « mieux comprendre cette filière, qui définirait les tarifs pour la développer économiquement. »
Virginie Mailles Viard
[(Retrouvez le jeudi 21 novembre dans ToulÉco Green la suite de cet article sur le Biogaz : Pacte de développement de la méthanisation en Midi-Pyrénées : quels soutiens, quelles ambitions pour notre région ? )]
La méthanisation
La méthanisation est le processus naturel biologique de dégradation de la matière organique en absence d’oxygène. Il se produit naturellement dans certains sédiments, les marais, les rizières. La maîtrise de la méthanisation dans des digesteurs confinés permet de produire du méthane à partir de certains éléments polluants . Plus d’infos sur la page wikipedia dédiée.
Notes
[1] Association Technique Energie Environnement