Patrice Renard, quel est le modèle idéal pour valoriser ce biogaz ?
Je suis pour l’expérimentation. Et, contrairement à certaines régions, la région Midi-Pyrénées ne soutient pas que les projets collectifs. Elle s’est mise à la tête des régions les plus dynamiques pour la méthanisation. Mais on est encore en train de chercher le modèle. Certains agriculteurs arrivent à monter des projets de petite taille. Ce qui est intéressant sur ces projets c’est la production d’énergie très localisée utilisant les matières d’une ou de plusieurs exploitations. Et ce sont des projets qui se montent assez vite, puisque en termes réglementaire ça s’est beaucoup simplifié et que l’on est face à un seul interlocuteur.
Qu’est-ce qui rend les projets de méthanisation risqués ?
D’abord leur complexité. On n’est pas à l’époque dorée du photovoltaïque, où les tarifs étaient tellement intéressants que ça ne devenait plus que des opérations financières. Là, on a un tarif qui est juste ce qu’il faut pour qu’il y ait des projets qui sortent, mais il faut accepter un certain niveau de risque. Il y aurait intérêt à revaloriser les tarifs actuels pour redonner des marges financières aux projets par rapport aux risques encourus.
Est-ce qu’il vaut mieux alors se lancer dans des petites unités à la ferme ?
Sur des petits projets de méthanisation, on peut faire de la co-génération, électricité et chaleur. Mais la petite méthanisation à la ferme, nécessite une taille suffisante pour qu’elle ait une rentabilité économique. Or le coût de l’investissement est lourd, et on a du mal à rendre ces projets rentables. Sur des projets collectifs, on arrive à réduire le coût par rapport au kW installé. Par contre, qui dit gros projet, dit plus de matière à traiter, plus de transports, et une réglementation plus compliquée. Mais il devient un projet territorial : il rend service à la collectivité, à des industriels, et en même temps à des agriculteurs. En terme de dynamique locale, il a du sens. L’autre avantage, c’est qu’il va permettre à de petits agriculteurs de participer à un projet de méthanisation, alors que seuls ils n’auraient pas pu le faire.
Comment est-ce que l’agriculteur rentabilise son investissement ? Sur quel modèle économique ?
Sur la production de l’énergie et sur le traitement de sa matière. Il crée un digestat, l’équivalent d’un compost, riche en azote, et réalise des économies d’engrais, en épandant cette matière dans les champs. Il peut être rémunéré sur la matière qu’il apporte, qui a une capacité à produire de l’énergie. Sur la plupart des projets le transport de la matière est pris en charge par l’unité de méthanisation. Elle peut se charger du service d’épandage de la matière sur les champs. Même si ce service est payant c’est une économie de travail pour les agriculteurs, et un souci administratif en moins. Enfin l’agriculteur peut toucher des dividendes produits par les bénéfices de l’unité de méthanisation, s’il est actionnaire.
Je conseille aux agriculteurs de rester actifs sur l’unité, c’est un gage de pérennité du projet.
Que pensez-vous de la solution allemande qui dédie des terres aux cultures énergétiques ?
Je promeus une solution médiane. Privilégier les cultures énergétiques pour la méthanisation, c’est prendre le risque de concurrencer la filière alimentaire.
D’un autre côté, du fait de la saisonnalité des effluents d’élevage, et parfois de la difficulté à trouver le gisement suffisant tout en le maîtrisant, l’introduction d’un peu de cultures énergétiques peut apporter le coup de pouce qui va rendre le projet faisable.
Néanmoins, afin de ne pas rentrer dans ce débat, nous nous intéressons plutôt aux CIVE, c’est-à-dire les cultures intermédiaires à vocation énergétique. On privilégie alors la production de biomasse destinées à la méthanisation, sur des terres qui sont disponibles à un moment donné de l’année..
Pourquoi notre modèle est-il si complexe, alors que l’Asie a développé la méthanisation à grande échelle ?
Oui, il y a sûrement des choses à faire. Mais en France on est bloqués par rapport à la réglementation. Et il y a le climat, il fait plus chaud toute l’année, en France des digesteurs familiaux ne fonctionneraient pas tout le temps. Mais dans le cadre des éco-quartiers, on peut faire du biogaz qui va dans une chaudière, et qui produit au moins de la chaleur. Du coup les besoins en électricité sont assez modérés et peuvent être couverts par du photovoltaïque, de l’éolien.... Tous les projets ont un intérêt : l’éco-hameau va chercher son autonomie énergétique, et le projet territorial, va répondre à une problématique plus générale.
Il y aurait une réponse urbaine, et rurale à la méthanisation ?
Elle est multi-formes, c’est ce qui fait sa complexité et son intérêt.
Propos recueillis par Virginie Mailles Viard
Sur la photo, Patrice Renard, président de Méthaneva
1 Message