Les nitrates, bons pour la santé ? C’est le message qu’affichait la Coordination rurale le 4 septembre lors d’une manifestation à Toulouse. Face à la nouvelle cartographie des zones vulnérables à protéger des nitrates - 3 800 communes en plus des 19 200 - la Coordination Rurale - le syndicat des agriculteurs de Midi-Pyrénées - se rebiffe. « Nous ne respecterons pas cette Directive Nitrates tant que nous ne nous serons pas tous mis autour de la table, les pour et les contre. » Les pour, ce sont les pays européens qui mettent en place une politique pour limiter le taux de nitrates dans les eaux. Sauf la France, condamnée le 4 septembre par la Cour de justice de l’Union Européenne [1] pour manquement à ses obligations de lutte contre la pollution aux nitrates. La facture s’élèverait à des dizaines de millions d’euros.
La Coordination rurale veut réhabiliter les nitrates
La Directive Nitrates cible les nitrates suspectés d’être la cause de la pollution et de l’eutrophisation des eaux : au delà d’un seuil, les algues se développent et privent les autres êtres vivants d’oxygène, la vie aquatique disparaît. Le seuil de 50mg/l est celui recommandé par l’OMS pour préserver les eaux potables. Selon le ministère de l’écologie, les ménages français paient entre 1 et 1,5 milliard d’euros le coût de la dépollution de l’eau. Les nitrates d’origine agricole, ou de stations d’épuration défectueuses, polluent les eaux de surface et souterraines, et sont à la source de problèmes de santé chez le nourrisson et de cancers. Des données contestées par la Coordination Rurale. « Cette nocivité n’est pas prouvée, assène Thierry Guilbert, trésorier national de la Coordination Rurale. Il y a des nitrates dans les légumes et il est conseillé d’en manger pour sa santé... Le problème c’est la combinaison de nitrates, de phosphore, et de métaux lourds. Mais personne ne veut travailler dessus. La Commission Européenne est omnibulée par l’environnement et la sécurité alimentaire, poussée par un lobby écologiste. »
"Nous devrions aider nos agriculteurs à réaliser leur conversion en bio"

Mais les écologistes n’approuvent pas non plus, pour des raisons différentes. Parce que la politique des zones vulnérables mise en place sur le territoire français est trop parcellaire. Pour François Calvet, conseiller régional EELV [2], elle laisse de côté des zones, qui sans vigilance, deviennent vulnérables à leur tour. Pour le vice-président de la commission agriculture, le refus de la France de changer de modèle agricole la met « au pied du mur. Face à la directive nitrates, chaque pays a agit. Par exemple en Autriche, 20% de la SAU (Surface agricole utile) est devenue bio. Nous devrions aider nos agriculteurs à réaliser leur conversion en bio. Et dire que les nitrates ne sont pas dangereux, c’est faux et absurde, la présence de nitrates dans l’eau n’est pas normale. Il n’y a que la FNSEA, et la Coordination rurale pour remettre cela en cause. »
Les zones vulnérables : une spécificité française
La mise en place des zones vulnérables oblige les agriculteurs à ne pas épandre trop d’engrais, à respecter les périodes d’interdiction d’épandage, notamment en temps de fortes pluies. Des couverts végétaux, pièges à nitrates, doivent être posés en hiver. Et les bâtiments de stockage d’effluents doivent être mis aux normes. Des mesures qui concernent 6000 agriculteurs, « rien que dans le Gers, signale Thierry Guilbert. Dans notre département, où les pentes sont supérieures à 20%, et où 15 000 hectares sont consacrés à la production céréalière, ces mesures sont trop coûteuses. » Lors d’un déplacement agricole en Gironde samedi 6 septembre, le premier ministre Emmanuel Valls, a souhaité rassurer les agriculteurs, en proposant "une remise à plat de la réglementation nitrates auprès de Bruxelles."
En termes de développement durable, la méthanisation aurait un rôle à jouer : le lisier peut être converti en biogaz, évite ainsi la production de méthane, et en digestat fertilisant pour les sols, moins nocif pour l’environnement.
Virginie Mailles Viard
Sur les photos : Manifestation de la coordination rurale le 4 septembre ; François Calvet, conseiller régional EELV vice-président de la commission agriculture.