Midi-Pyrénées. L’énergie hydroélectrique sous haute tension

Partager cet article



Et si la gestion territoriale des eaux des vallées pyrénéennes était assurée de Suède, de Finlande ou de Suisse ? Imaginons que la production hydroélectrique française soit du ressort de l’Allemagne, de l’Italie, ou encore de la Norvège ? Ces hypothèses ne ressortent pas d’un scénario ubuesque, elles font partie des perspectives que la loi française et les pressions 
européennes font peser sur la production hydroélectrique française.

Aristide Bergès, l’inventeur ariégeois de l’énergie hydraulique, la Houille Blanche, peut se retourner dans sa tombe. Née en France, cette énergie renouvelable attire les opérateurs étrangers. Ils s’appellent Alpiq en Suisse, Enel en Italie, Fortum en Finlande, ou encore Vattenfall en Suède. C’est qu’il y a de la puissance en jeu, un système bien rodé, et des installations déjà amorties.

Lancée sous l’ancien gouvernement, cette ouverture à l’internationale d’une partie de la production électrique française fait l’objet en ce mois de juin d’une mission parlementaire dédiée. Une centaine d’acteurs du secteur ont été auditionnés, et la première partie du rapport Battistel - du nom de la députée PS de l’Isère - vient d’être présentée au Parlement. Des difficultés majeures ont été soulevées dans ce premier opus qui doit être finalisé fin juin. Et la première, aussi étrange que cela puisse paraître, est qu’aucun autre pays européen n’ouvre son parc électrique. Ensuite, en remettant en concurrence les concessions, le pays perd le contrôle sur la production d’électricité la plus compétitive sur le mix énergétique. De plus, le découpage des vallées rend l’exploitation des barrages complexes.

Des destructions d’emplois inévitables

Une autre difficulté concerne la gestion des usages de l’eau. « Sur le bassin Adour-Garonne, en Midi-Pyrénées en particulier, on soutient le débit des rivières pendant la période d’été. Sur la Garonne, et ses affluents, 130 millions de mètres cubes d’eau sont mis dans la rivière pour maintenir le débit », résume Jean Comby directeur délégué de la division production et ingénierie hydraulique d’EDF. »Aujourd’hui, nous sommes en rapport étroit avec les acteurs locaux. »

Mais comment seront prises en considération ces problématiques vues de l’étranger ? Autre inquiétude qui ressort de ce rapport, celles des destructions d’emplois qui paraissent inévitables. La logique d’optimisation économique les poussera à maintenir les activités supports dans les pays d’origine. « Les ouvrages hydroélectriques français intéressent les autres pays, les aménagements hydroélectriques sont construits, ils ont une longue durée de vie, et dégagent une certaine rentabilité. Au regard des évolutions de la consommation dans les années à venir, il va falloir développer des équipements pour des productions de pointe », estime Jean Comby.

Midi-Pyrénées principalement visée

Sur la totalité du bassin Adour-Garonne, EDF stocke 2 milliards de mètres cubes d’eau, directement visés par l’ouverture des concessions à la concurrence : les 5300 mégawatts soumis à concurrence sont majoritairement rassemblés sur ce bassin. Soit 400 MW dans les Pyrénées, avec 300 MW en Ossau, 60 sur les Nestes, et 40 sur la Têt. « Puis 2000 MW sur Lot Truyère et 1500 MW sur la Dordogne. Soit 20% de la puissance hydroélectrique France »,
 précise Jean Comby. L’hydroélectricité représente 12% de l’électricité globale, soit 70 milliards de Kilowatt-heures. Le représentant d’EDF souligne : « C’est une énergie renouvelable et stockable. Elle est également très souple, les centrales peuvent démarrer très rapidement. C’est un moyen de production indispensable pour assurer l’équilibre instantané entre la production et la consommation. » 



Société anonyme depuis 2004, EDF rentre désormais dans le giron de la loi Sapin qui intimait dès 1993 « la mise en concurrence pour l’attribution des délégations de service public à l’exception de celles gérées par des établissements publics ». Le processus peut donc dores et déjà se mettre en route. Les dossiers sont fin prêts sur les bureaux d’EDF, pour répondre aux critères énoncés pour l’appréciation des offres : la capacité énergétique de l’offre, la qualité de l’ offre sur la gestion équilibrée de la ressource en eau, « et le montant de la redevance proposée. Le concessionnaire peut verser une redevance, puisqu’il n’a plus à amortir les équipements existants. »
Mais pour rentrer dans le cercle prisé de la production hydroélectrique française, il faudra partager une partie du chiffre d’affaires avec l’Etat, le département, et les communes concernées.



Un rapport très attendu


Un calendrier a été défini qui tient compte du débat sur la transition énergétique. « Si le processus se déroule comme prévu, on pourrait avoir un appel à candidature pour les Pyrénées début 2014. Fin juin le rapport finalisé sera rendu. Il doit soit confirmer la mise en concurrence ou proposer des solutions alternatives. »

La France est aujourd’hui prise en étau entre la mise en oeuvre de ses lois, et la volonté politique européenne. Pendant ce temps, EDF se prépare au scénario qui peut voir le jour en 2014 : « On prépare nos offres et, en tant que premier hydroélectricien en France et en Europe, on continue à exercer notre métier partout », conclut Jean Comby. « Nos priorités ce sont la sûreté des installations, leur performance, la gestion de l’eau et la protection des milieux aquatiques, et être acteur du milieu territorial. Et si le dispositif change, on s’adaptera. »

Virginie Mailles Viard


Sur la photo : La centrale hydroélectrique de Cap-de-Long (Hautes-Pyrénées). Crédits : Shutterstock.

Réagir à cet article

Source : https://www.touleco-green.fr/Midi-Pyrenees-L-energie