Marie Rouanet : le potager, un lieu de liberté

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Pour l’écrivain Marie Rouanet, le jardin est un Eden dans lequel le bonheur se cueille seulement si l’on accepte de triturer la terre, et de ne pas fuir à la simple vue d’un insecte. Et c’est là que l’homme peut se transformer en dieu de la création.

Elle n’a pas une approche scientifique du jardin, mais elle revendique celle de la liberté. Dans cet espace clos, le jardin est pour l’écrivain languedocien Marie Rouanet le lieu où l’homme se mesure aux dieux de la création. Il est le maître absolu du potager. Cette aura soudaine, ce pouvoir inattendu, il les puise dans la réalisation d’un lieu à sa portée analyse Marie Rouanet. « Si la planète Terre est vaste, le potager est à taille humaine. Dans cet espace délimité, l’homme laboure, plante, sème et dispose des éléments comme il l’entend. S’il pleut, il fait un abri, il assigne à chaque plante sa place. Il organise comme un dieu créateur. Il exerce une domination domestique, et tire parti de ce qu’il a. Ce qu’il plante pousse en quelques mois. Dans un potager, même le temps est à mesure humaine. »


Un lieu qui nous libère du monde

Pour l’auteur de Dans la douce chaire des villes (éditions Payot), une terrasse est suffisante pour ressentir ce bonheur, forcément provisoire, d’être en contact avec la terre qui nous nourrit. « Il suffit d’avoir un pot et de la terre, de remuer, pour connaître cette proximité. Je n’aime pas jardiner avec des gants, j’aime sentir l’agilité de mes doigts. Nous devons revenir à une utilisation plus pacifique et plus humaine de la terre. Le potager est un îlot de paix et de tranquillité. Un lieu qui nous libère du monde. »

Marie Rouanet dispose de trois hectares de terrain sur les terres aveyronnaises, d’un chêne qui a trois cents ans, d’une centaine de rosiers, et d’un potager extraordinaire. Et rien de ce qui fait nature ne lui échappe. « Les villes sont remplies de jardins publics. On oublie beaucoup de penser à cet espace de nature en pleine ville. Les gens ne savent pas voir, alors qu’elle peut être plus abondante qu’à la campagne, ou il n’y a presque plus de nature a l’état sauvage. » Cet aveuglement, l’écrivain le met sur le compte d’une vision déformée de la nature : « Les gens ont une idée de ce que doit être la nature, et quand ils sont à la campagne ils ne supportent ni les insectes, ni la pluie, ni la boue. Un vers de terre, une abeille et ce sont des hurlements ! » .

Si on lui demande quel personnage symbolise le mieux cette vision du jardin, elle répond qu’il existe seulement dans son imaginaire : « Je vois une main ridée, très vieille. C’est celle d’un dieu bienveillant, qui glisse dans la bouche d’un enfant une fraise. »

Le potager de Marie Rouanet

Elle succombe pour la pomme de terre Mona Lisa, « pour sa finesse et sa souplesse sous la langue ». Elle cultive des oignons doux, des salades, des courgettes, des aubergines, des cornichons à concombre, des choux rouges, « frisés pour leurs belles feuilles ! ». Des tomates, des radis, des betteraves rouges, du coing, des blettes, « très important les blettes ! »... Et bien sûr du thym, du laurier, du persil, de l’estragon, de la menthe, de la mélisse. Elle mange ou donne tout ce qui pousse dans son potager. « Quand les enfants viennent, ils le dévalisent, et c’est très bien ainsi ». Elle conserve juste dans son congélateur des petites barquettes de purée de tomates un peu mûres.
Virginie Mailles Viard

En savoir plus

Parmi les ouvrages de Marie Rouanet :
 Je ne dois pas toucher les choses du jardin, 1993, Payot
 La marche lente des glaciers, 1994, Payot
 Petit traité romanesque de cuisine, 1998, Payot
 Dans la douce chaire des villes, 2003, Payot
 Luxueuse austérité, 2006, Albin Michel
 Quatre temps du silence, 1998, Payot
 Trésors d’enfance, 2009, Albin Michel
 La Nègre, 2010, Albin Michel
 L’arpenteur, 2012, Albin Michel

Sur la photo : Marie Rouanet - Crédits : Catherine Cabrol




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Source : https://www.touleco-green.fr/Marie-Rouanet-le-potager-un-lieu