Les monnaies locales complémentaires : utopie ou réalité économique ?

Partager cet article

Désacraliser notre système financier, pour lui préférer de réelles alternatives monétaires, est-ce se battre contre des moulins à vent ? Il y avait du monde le 2 mai à Saint-Gaudens, écouter l’économiste citoyen spécialiste des monnaies complémentaires, Phillippe Derruder. Une rencontre organisée par l’association Les champs du possible.


Il y avait du monde mercredi soir au cinéma Le Régent de Saint-Gaudens, des auditeurs attentifs et soucieux de connaître les alternatives au système financier dominant. Et qui de mieux qu’un ancien patron de PME, qui a arpenté les sphères du commerce international, qui s’y est perdu, pour exposer les malversations de la finance, et exhorter les peuples à reprendre le pouvoir sur leur monnaie. 
Philippe Derudder ne s’est pas attardé sur sa « longue traversée du désert », mais aujourd’hui ce ne sont plus des courbes de croissance virtuelle qui gonflent sa valise, mais la démonstration sans appel d’une perte réelle pour les états et pour les citoyens : celle de fabriquer, et de maîtriser la circulation de leur monnaie. « La dette publique est une imposture. Or la monnaie est un sujet que l’on exclu de l’économie. En économie classique, on dit que la monnaie est un voile neutre. La majorité d’entre nous ne se pose pas la question, on se dit qu’il nous faut des sous pour vivre et c’est tout. »

Philippe Derruder, ne se présente ni comme un historien ni comme un expert en économie, mais comme un homme qui a réfléchit, et beaucoup lu. Il lève le voile sur un système que l’on croit immuable, et pose la question de fond : ne sommes-nous pas inconsciemment totalement assujettis au système monétaire tel qu’il existe ? Une autre monnaie conjointe à la monnaie dominante est-elle possible ? 
Oui, cette double monnaie, créée par les utilisateurs, une monnaie sans intérêt, simplement d’échange, existe depuis la nuit des temps. « Depuis la Haute Egypte, il existe une double monnaie. Une monnaie d’échange international, et une monnaie du quotidien, des ostracons qui étaient des tessons de pots de terre que l’on échangeait contre du grain. On y gravait la quantité de grains, comme un certificat de dépôt. C’était une monnaie de vie, elle représentait la richesse qui était entreposée. » 



La monnaie complémentaire comme régulateur de crise


Ces monnaies complémentaires ont ressurgit dans les périodes de crise économique. Pendant la crise de 1929, le Wara s’est installé en Bavière, pour relancer les emplois miniers et les commerces. « En 1932, la Suisse a crée le Wir, et ce sont aujourd’hui 75 000 entreprises qui sont adhérentes. Les créateurs du Wir se sont dit, on a des besoins, on sait faire, il y a tout ce qu’il faut pour échanger, puisqu’il n’y a pas d’argent, créons notre propre monnaie. La coopérative Wir a obtenu son agrément bancaire en 1937, et la banque Wir est aujourd’hui une banque florissante. » Les échanges interentreprises libellés en WIR représentent aujourd’hui près de 2 milliards d’euros par an. Le Wir prend systématiquement le relais comme régulateur de l’économie traditionnelle. Mais la monnaie complémentaire n’est pas seulement un outil anti-crise, elle rappelle que l’on devrait produire et échanger seulement pour le bien-être de tous. « Il faut comprendre qu’elle est la nature de la monnaie, pour ne pas reproduire avec les monnaies locales le système dominant. La monnaie n’a aucune valeur en soi, c’est une convention sociale fondée sur la confiance. Il suffit de se mettre d’accord sur une unité de compte et s’entendre pour l’accepter en paiement, et ça y est. Nul besoin d’avoir de la valeur, c’est un outil que l’on adopte pour échanger nos richesses. Or la monnaie est associée dans notre tête à la richesse, elle aurait de la valeur, et elle serait rare. C’est cela qui continue à perdurer. On alimente quelque chose qui aujourd’hui est complétement faux. » 


Philippe Derruder veut réveiller les consciences, et la mise en circulation réussie du Sol Violette à Toulouse, laisse augurer une réappropriation de la monnaie par les citoyens.
 Aujourd’hui une dizaine de monnaies locales sont en circulation en France, et une trentaine au stade d’expérimentation.

Virginie Mailles Viard





Réagir à cet article

Source : https://www.touleco-green.fr/Les-monnaies-locales-complementaires-utopie-ou-realite