
Quel est l’objectif des animations que vous organisez telle que celle sur la place du Capitole les 11 et 12 octobre derniers ?
Nous souhaitons sensibiliser le grand public à la production de blé dur. Lui rappeler que Midi-Pyrénées est incluse dans le territoire ancestral de production mais que cette zone est en danger et qu’il faut la revaloriser. Car le blé dur, c’est la base même du régime méditerranéen avec les pâtes alimentaires et les semoules. Si le blé dur disparaît de nos terroirs, nous perdons une certaine indépendance alimentaire. La Haute-Garonne est par ailleurs au cœur de ce territoire avec quelque 5.000 producteurs, c’est le principal département producteur du sud de la France.
Qu’est-ce qui menace le blé dur ?
D’une part le réchauffement climatique. Si le blé dur est une plante préhistorique qui aime les temps secs et chauds, il n’empêche que le réchauffement climatique qui s’opère sur notre région en réduit les rendements. Car les températures montent trop haut désormais. Et nous manquons tout de même d’eau. Le blé dur nécessite un arrosage à la floraison, avec 50 millimètres d’eau supplémentaires nous gagnerions 10 quintaux à l’hectare. Il faudrait créer des réserves qui stockeraient l’eau de l’hiver. Car, en trente ans, les rendements ont diminué de 20% à l’hectare en Midi-Pyrénées. Mécaniquement, si nous pouvons subvenir aux besoins de la consommation française, notre part à l’export se replie. Or nous exportons beaucoup vers l’Italie et le Maghreb : 450.000 tonnes en 2011 vers l’Algérie par exemple.
Est-ce que la production subit des pressions foncières ?
La pression foncière contrarie de plus en plus sa production également. Un tiers du blé dur dans le Midi est produit en zone péri-urbaine. Or l’étalement urbain grignote les terres arables. Paradoxalement on nous demande de produire davantage mais nous avons moins d’espace ! Enfin, la mondialisation nous fragilise énormément. Nous sommes fortement concurrencés désormais par le blé produit en Amérique du nord, comme au Canada. Résultat : beaucoup de producteurs de la région songent à se convertir au blé tendre dont le rendement est meilleur et nécessite moins de travail.
Quels sont les risques induits par cette tendance vers le blé tendre ?
Il s’agit aussi pour nous, afin que ce basculement vers le blé tendre ne prenne pas trop d’ampleur, de préserver les subventions que la PAC 2007-2013 nous accordait sous forme de prime.
L’Union Européenne a, en effet, reconnu la fragilité des territoires ancestraux de production en France. C’est à ce titre que les producteurs étaient soutenus dans le sud de la France, afin de pallier le différentiel de rendement avec celui des producteurs de la Beauce. Il faut absolument que les restrictions budgétaires en cours ne remettent pas en cause la reconduction de ces subventions dans la prochaine PAC.
La problématique des engrais n’entre pas en compte aujourd’hui ?
Si, mais elle est mineure. Le blé dur est une plante rustique qui résiste bien. D’ailleurs, c’est plutôt même un bon recours pour limiter l’usage des engrais en intégrant du blé dur au cycle de rotation des terres qu’il faut aujourd’hui rallonger pour les reposer. Le blé dur, dès qu’il est produit dans sa zone naturelle est particulièrement intéressant pour l’environnement. Il nécessite peu d’intrants et la filière est structurée en circuit court. Le blé dur est transformé sur cette zone en France. Ainsi la semoulerie de Marseille collecte les trois quarts de ses besoins à moins de 250 kilomètres de son site. Enfin, les semences de nos blés durs sont toutes certifiées, gage de la qualité de nos produits. Nous devrions aussi obtenir la Certification de Conformité Produit du Ministère de l’Agriculture prochainement.
Propos recueillis par Nathalie Malaterre
Sur la photo : Yvon Parayre, Président de la Chambre d’agriculture de Haute-Garonne.