Outre de violentes échauffourées entre les forces de l’ordre et les opposants rejoints par des zadistes (en référence à la « zone à défendre » de Notre-Dame-des-Landes), plusieurs membres du collectif pour la sauvegarde de la zone humide du Testet sont en grève de la faim depuis six jours. L’objectif est le même qu’à Notre-Dame-des-Landes : obtenir un moratoire sur le projet de barrage de Sivens, le temps que trois recours judiciaires aboutissent.
Porté par le conseil général du Tarn, le projet a été validé par la préfecture le 3 octobre 2013 pour répondre au soutien d’étiage du Tescou (niveau le plus bas atteint) et à l’irrigation dans la vallée jusqu’au Tarn-et-Garonne. Mais il implique la destruction d’une zone humide majeure. Les opposants, à commencer par les associations écologistes dénoncent « un coup de force » et « un sacrifice pour l’environnement et les finances publiques », selon Ben Lefetey, porte-parole du collectif du Testet. « Le nombre de bénéficiaires potentiels justifie-t-il 8,4 millions d’euros d’investissement et 340.000 euros annuels de fonctionnement ? » Il dénonce le soutien de pratiques agricoles productivistes qui sont « une impasse pour les agriculteurs comme pour la société dans son ensemble ».
Plus de transparence sur les coûts et les bénéficiaires
Selon les opposants, l’ouvrage ne profiterait qu’à une vingtaine d’exploitations agricoles, le déficit d’eau a diminué depuis les premières études réalisées en 2001 et il existe aujourd’hui des alternatives au barrage comme les remontées colinéaires. Pour un riverain du Tescou, « les écologistes entretiennent un faux débat ». « L’utilité essentielle du barrage n’est pas la question de l’irrigation mais le soutien d’étiage. Tous les maires de communes concernés, de tous bords, ont signé en sa faveur car toutes ces communes ont leur station d’épuration qui s’y déverse », poursuit-il.
Au conseil général du Tarn, le directeur de l’eau Stéphane Mathieu dit répondre à une obligation réglementaire : le plan d’étiage du Tescou imposé dans la dernière loi-cadre sur l’eau. « C’est un barrage cher car il y a des mesures compensatrices élevées et des travaux de modification de l’axe routier qui longe la retenue mais l’activité économique de la vallée est agricole. Sans rien, elle va se retrouver sans eau. » L’étude prospective de l’Agence de l’eau Adour-Garonne à horizon 2050 confirme l’incidence du dérèglement climatique sur l’assèchement du Tescou.
Revendications sur les mesures de compensation écologique
Située en marge des zones de culture intensive de la vallée du Tarn, la zone humide du Testet est reconnue Zone d’intérêt écologique faunistique ou floristique (Znieff). Elle joue le rôle de refuge aux espèces forestières, à commencer par les quatre-vingt-quatorze espèces protégées répertoriées dont cinq à enjeux importants. 200.000 euros seront mobilisés annuellement pour recréer dix-neuf hectares de zones humides sur les parcelles inutilisées du même versant. « On s’engage sur plusieurs années à suivre comment ces zones humides vont être amenées à se développer », souligne Stéphane Mathieu.
Mais selon Ben Lefetey, les compensations ne tiennent pas la route. « On se réfère aux avis des spécialistes du CNPN (Conseil national de protection de la nature, NDLR), du conseil scientifique régional du patrimoine naturel et de l’Onema(Office national de l’eau et des milieux aquatiques) qui ont donné des avis défavorables en considérant que l’impact sur l’environnement n’est pas bien évalué. Ces avis défavorables auraient dû entraîner l’abandon du projet. »
Si le dossier fait apparaître quelques zones de flou, la bataille qui se joue sur le terrain s’est radicalisée. Au-delà d’un projet d’aménagement du territoire, elle oppose deux modes de production agricole. Dans un communiqué, les riverains de la vallée du Tescou se disent « nullement représentés par les opposants à la retenue de Sivens ».
Aurélie de Varax
Sur la photo : Le chapiteau du campement des zadistes. Premier jour du déboisement pour commencer les travaux du barrage. Photo Christian Bellavia.
Les chiffres clés
Le projet de barrage prévoit de réaliser un réservoir d’un volume d’eau de 1.500.000 m³ pour une superficie de quarante-deux hectares au pied de la forêt de Sivens dont treize hectares en zone humide du Testet. Une digue de 304 mètres de long et de treize mètres de haut sera réalisée.
Les travaux doivent coûter 8,4 millions d’euros. Le barrage sera financé à 50 % par l’Agence de l’eau Adour-Garonne, à 30 % par le conseil régional et l’Union européenne, et à 20 % pour les conseils généraux du Tarn et du Tarn-et-Garonne.