Nos autres médias ToulÉco | ToulEmploi | ToulÉco TV | ToulÉco Tarn

La taxe sur l’obtention végétale, la taxe de trop pour les agriculteurs

Le nombre de graines autorisées à être ressemées par les agriculteurs s’accroît. Mais les semences protégées demeurent soumises à une taxe sur l’obtention végétale. Injuste aux yeux des agriculteurs, elle serait nécessaire pour la recherche selon le Groupement national des semences et plants (le Gnis).

Depuis le mois de décembre 2011 et sa loi relative aux certifications d’obtention végétale, (COV) les agriculteurs attendaient impatiemment que s’élargisse le champ des espèces de graines autorisées à être ressemées. C’est chose faite en 2014, avec la possibilité pour les agriculteurs d’utiliser, pour un certain nombre d’espèces, leurs propres graines comme semences. Mais la liste de ces graines émancipées demeure restreinte.

Et la toile de fond reste complexe : entre les semences de fermes, et les semences modernes, les agriculteurs doivent jongler entre le droit, une coutume ancestrale - resemer ses propres graines année après année - et les exigences de la recherche et de la production industrielle. D’un côté le brevetage des espèces, version américaine, de l’autre le COV [1] , « une mise en musique européenne », explique Jacques Commère, responsable de l’Organisation des producteurs de grains au sein de la coordination rurale en Midi-Pyrénées. « Nous saluons l’ouverture du décret. La coordination rurale souhaite l’élargissement à toutes les espèces. Mais il reste qu’en France, théoriquement, un agriculteur n’a pas le droit de ressemer. Les agriculteurs payent les semences à un prix élevé, qui correspond aux frais de recherche - de l’ordre de 800 € la tonne de blé semences alors que le blé vaut 180 € la tonne - ils ne voient pas pourquoi, ils paieraient une taxe en sus. C’est un abus de pouvoir. » Parmi les semences protégées, le blé tendre, pour lequel l’agriculteur verse une taxe de 0,70 euros la tonne, ou encore l’orge et le blé dur.

Cette taxe est mal perçue par la profession, « qui dans nos régions à potentiel intermédiaire, se doit de chasser tous les gaspillages », témoigne Jacques Commère. « Nous ne la répercutons pas sur le consommateur. Et nous ne pouvons pas nous permettre de perdre quatre sous par ci ou par là. Nous voulons aller plus loin, et libérer totalement toutes les espèces. » Pourquoi alors ne pas cultiver les variétés anciennes, libres de droit, comme le propose Ananda Guillet, de l’association Kokopelli, basée en Ariège. « Pour nous ce combat est un faux combat. Si vous ne voulez pas payer de droits à la Sacem - (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de musique) - n’utilisez-vous pas une musique libre de droit ? C’est aussi simple pour la semence ! »

« Le progrès, il faut le payer »

La France, premier pays producteur de l’Union européenne, et troisième exportateur mondial de semences, n’a pas fait ce choix difficilement compatible avec la nécessité de produire à grande échelle, pour Gérard Crouau, délégué régional du Gnis en Midi-Pyrénées, le Groupement national interprofessionnel des semences et plants. Le Gnis regroupe l’Aquitaine, Midi-Pyrénées, et le Languedoc Roussillon, soit 88 000 hectares de production, ce qui place le trio en tête des régions françaises productrices de semences. « Nous ne pouvons plus agrandir les superficies, et dans le même temps il nous faut produire davantage, et mieux. » D’où pour le Gnis, la nécessité de faire avancer la recherche. « La loi COV est très intéressante, puisque les variétés protégées peuvent être utilisées par tout le monde. Ces 0,70 euros soutiennent la recherche. Et le progrès, il faut le payer. »

La certification mise en danger



Le paysage des semenciers, des résistants au brevetage du vivant et des agriculteurs, est en pleine mutation. La pression exercée par Bruxelles sur la certification des semences et des plants - qui garantit aux agriculteurs la qualité des semences - tend à s’alléger. Une mauvaise nouvelle pour le Gnis. « Nous sommes soumis au libéralisme anglo-saxon, qui ne veut plus de certification obligatoire. Or ce système fait ses preuves en France, et nous avons besoin de cette certification, de cette traçabilité, pour faire vivre tous les acteurs de la filère. »


Virginie Mailles Viard




Le décret en cours d’élaboration envisage d’ajouter le trèfle violet, le trèfle hybride, le ray grass d’italie, le ray grass hybride, le soja, la moutarde blanche et l’avoine rude.

Notes

[1La loi stipule qu’un « agriculteur qui met en culture une variété protégée par un certificat d’obtention végétale (COV) peut ainsi utiliser une partie de sa récolte comme semence en vue de la récolte suivante, sans accord préalable de l’obtenteur. Une indemnité, définie de préférence dans le cadre d’accords interprofessionnels, sera versée aux obtenteurs détenteurs du COV afin de prévoir une juste rémunération de leurs travaux de recherche.

1 Message

  • Jérôme AUDOUIN le 7 février 2014 10:53

    Il est vrai qu’il faut payer le progrès. Mais bien souvent celui que l’on paye a un coût encore bien plus élevé si l’on prend en compte ses conséquences sur le moyen et le long terme.
    Le progrès ce pourrait être aussi de tenir compte du bon sens et des enseignements du passé dans les techniques agricoles, tels que : - l’agroforesterie, - absence de labour profond, - des sillons parallèles à la pente et non dans l’axe, - des cultures adaptées au climat local... Cela aussi permet d’améliorer les rendements pour un bénéfice qui lui est collectif à la différence des semences « industrialisées et brevetées » issues de la recherche.
    La recherche doit permettre un progrès et non un asservissement de l’Homme et une destruction des sols.
    Il faudrait mettre en avant la recherche qui profite à tous et non celle qui permet uniquement de valoriser l’entreprise qui commercialise les produits issus de cette recherche, aux dépens de tous, non ?..

Réagir à cet article

Source : https://www.touleco-green.fr/La-taxe-sur-l-obtention-vegetale-la-taxe-de-trop-pour-les,12401