L’étang du Moura victime d’une vidange sauvage

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Des milliers de poissons morts retrouvés gisant dans la boue. Anguilles, alevins, tortues, ont vu leur milieu naturel, l’étang du Moura dans le Gers, se vider. Directement visé par ces exactions : le Conseil général du Gers, une collectivité engagée dans le développement durable et qui a pris à cœur la question de l’eau sur son territoire. 


Au petit matin, c’est la désolation : un étang de 17 hectares, soit 100.000 m3 d’eau, entièrement vidé. Des milliers de carpes, d’alevins, d’anguilles, retrouvés gisant dans la boue. Ainsi que des petites tortues, des cistudes d’Europe, une espèce protégée. Environ trois tonnes de la population piscicole, soit la moitié des êtres vivants aquatiques du l’étang du Moura, à Avéron-Bergelle dans le Gers, a disparu. En une nuit, ce site historique a également perdu une cabane de pêcheurs qui appartenait au XVIIIème siècle à des moines cisterciens. Elle a été brûlée.

Enquête en cours

L’enquête judiciaire explore la piste agricole. Les tags retrouvés sur les murs laissent penser que le Conseil général du Gers aurait préféré donner de l’eau aux tortues.... plutôt qu’à qui ? A ceux qui ne peuvent irriguer leur champ pour cause de restriction d’eau en période de canicule ? Si, sur les sites internet des journaux locaux, les internautes accusent directement les exploitants de champs de maïs, Éric Cadoré, chef du service de l’eau au Conseil général, préfère rester prudent : « Nous ne savons pas pour l’instant qui sont les auteurs. L’irrigation des champs et le lac du Moura sont deux choses différentes, puisque ce lac ne servait pas à l’irrigation agricole. La gestion du site ne se fait pas en opposition a l’agriculture, mais parallèlement. Mais le lac du Moura est un site vitrine pour le Gers, un lieu exemplaire de la politique que nous menons pour la bio-diversité. »

Cette vidange sauvage a transvasé des espèces du lac dans la Douze, une rivière proche, pour qui l’écrevisse de Louisiane ou le poisson-chat sont des espèces invasives. « Les auteurs se sont attaqués à un site à vocation environnementale. Notre collectivité est engagée sur l’eau, nous voulons préserver les usagers, les milieux et l’économie. L’agriculture a besoin d’eau, il y a un équilibre à trouver. L’eau est rare sur nos terres. » 


Moura en Zone naturelle d’intérêt écologique floristique et faunistique



Acheté au mois de mars 2012, l’étang de Moura a coûté 360.000 euros au département. Il a pour vocation, outre le maintien d’espèces piscicoles, à servir de support pédagogique aux écoles. « C’est un lieu historique », rappelle Eric Cadoré. « Dès le XVIIIe siècle, les moines exploitaient l’étang. Cet ouvrage est maintenant intégré au périmètre Natura 2000 (ensemble de sites européens protégés, ndlr). C’est un site vitrine dans le plan de gestion environnementale du Gers. Le programme initial va être accéléré. L’ensemble des travaux de restauration, et de l’achat du site étaient estimés à 600 000 euros. Il va falloir revoir ces estimations à la hausse. »


L’agroforesterie, une réponse à l’irrigation intensive ?

Pour Alain Canet, directeur d’Arbres et Paysages 32, une association spécialisée dans les techniques arboricoles, si la vidange du lac du Moura vise clairement la politique de développement durable du département, opposer agriculture et biodiversité est une aberration : « Certains se disent que préserver la biodiversité coûte cher, et que l’on investit trop sur l’environnement et pas assez sur l’agriculture."

Dans ce département majoritairement agricole, et pauvre en eau, - le Gers est classé en Zone de répartition des eaux - de nombreux agriculteurs se sont tournés vers l’agroforesterie : ou comment copier l’éco-système des forêts, qui n’ont ni besoin d’eau ou d’engrais pour pousser. L’agroforesterie propose de planter des d’arbres ou des haies au milieu des champs. « Les arbres sont des alliés de l’agriculture », explique Alain Canet. « L’arbre dans le champ à une fonction essentielle, il recapitalise le sol en carbone. Si on a un sol riche et vivant, il fera de la réserve utile en eau. Mais les labours épuisent les sols, les rendent érosifs, et ne retiennent plus l’eau. Un sol dégradé est plus consommateur d’eau et d’engrais. Les agriculteurs qui ont fait le choix de ne plus labourer consomment dix fois moins d’eau ! »


Virginie Mailles Viard


Sur les photos : Les pêcheurs tentent de sauver les poissons encore en vie ; Eric Cadoré du service de l’eau au Conseil général. Crédits : DR.

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Source : https://www.touleco-green.fr/L-etang-du-Moura-victime-d-une