Le phénomène est récent, mais suffisamment marquant : le système économique traditionnel ouvre les yeux sur l’économie sociale et solidaire (ESS), et découvre que ce monde fonctionne comme le sien. Autre surprise, l’ESS présente une courbe en hausse constante. Le baromètre de la finance solidaire voit ses encours augmenter, avec une progression de 16%. Mais si les outils sont semblables - garantie financière, entrée au capital - les intérêts sont autres : l’ESS s’intéresse de très près à la nature des projets qu’elle porte. Les acteurs principaux en Midi-Pyrénées, Midi-Pyrénées Actives, la société financière la Nef, ou encore la SCI Initiative pour une Economie Solidaire (IES), travaillent au corps les projets d’entreprises qui leur sont présentés, et une fois financés les suivent des années durant.
Cette immersion et des analyses financières travaillées au cordeau ont ouvert une brèche dans le système financier dominant. Et des lois fiscales en faveur des épargnes salariales dirigées vers des entreprises responsables ont fini de convaincre les plus récalcitrants.
Des outils financiers et l’esprit d’analyse
Crée en 2005, par le réseau France Active, Midi-Pyrénées Actives accueille des projets comme celui, emblématique, de la Scop Green Buro, et joue le cheval de Troie auprès des banques. MPA dispose de plusieurs armes, la plus visible étant la garantie bancaire. Mais si elle séduit les banques (MPA se porte caution sur l’emprunt et apporte jusqu’à 70% de garantie), c’est qu’elle dispose d’un atout imparable : des dossiers de financement qui posent toutes les problématiques chères aux banquiers. Le directeur de MPA, Jean-Eric Florin, en connaît toutes les arcanes : « Nous avons une approche financière normale de notre métier. On analyse du risque, donc la capacité de remboursement, l’équilibre du plan de financement, l’engagement personnel des créateurs. Nous avons une analyse technique et pas idéologique. »
Ce profil de financeur, permet à MPA de porter des projets qui ne trouvent pas d’écho auprès des banques. L’organisme tient à ces partenaires financiers sans qui rien n’est possible, mais reconnaît que des entrepreneurs sans apports personnels n’ont aucune chance. En retour, les banques acceptent, selon la formule de Jean-Eric Florin, « de changer de lunettes. Il ne suffit pas de se porter garant pour que les portes s’ouvrent. Il faut démontrer que le dossier et son créateur sont solides. »
« C’est une vraie caution solidaire »
Face à ces analyses poussées, les regards sur les projets évoluent, comme en témoigne Philippe Graillon, responsable Développement Durable à la Banque Populaire Occitane. « Des projets décalés, parfois socialement innovant, se tournent vers ces structures parce qu’ils n’ont pas trouvé un écho ailleurs », explique-t-il. « Dans leur compte rendu d’activité annuelle c’est l’utilité sociale qui prévaut, la dimension humaine est prépondérante et ça se voit dans leur fonctionnement. Et quand ils octroient la garantie, ils s’engagent à verser à la place de l’emprunteur si il y a un défaut. C’est une vraie caution solidaire. »
Si le regard des banques a évolué sur l’entrepreneuriat de l’ESS, celui des épargnants français est mûr pour investir directement dans cette économie. Les lois sur l’épargne salariale, et l’obligation pour l’employeur de proposer des placements dans l’ESS ont littéralement boosté le système. Philippe Graillon y voit un écho logique de la crise. « Alors que c’est le marasme partout, les épargnants ont envie de donner du sens à leur épargne », conclut-il.
Virginie Mailles Viard