Pour que les entreprises puissent choisir leur projet de compensation carbone et financer une compensation de proximité, l’Arpe, l’agence régionale du développement durable en Midi-Pyrénées, crée la première plateforme du genre en France. Le crédit Carbone local est à la fois un label et une alternative à la compensation nord-sud. Elle est une plateforme d’échanges entre les porteurs de projets de compensation et les entreprises. Julien Lavaud, en charge du projet à l’Arpe, éclaire le dispositif qui sera lancé en novembre.
Qu’est ce que le Crédit carbone local ?
La particularité de notre dispositif est d’offrir à des financeurs - des entreprises pour commencer - la possibilité de trouver des projets de compensation sur le territoire national. Et de pouvoir parallèlement proposer à des porteurs de projets de stockage du carbone, de trouver des financements localement auprès des entreprises, ce qui revient à bâtir une plateforme d’échange entre les financeurs et les porteurs de projets. Il s’agit d’un dispositif complémentaire à celui de la compensation à l’international. Si je veux compenser les émissions de gaz à effets de serre que je ne peux ni éviter ni réduire, dans des projets en France, je choisis la localisation des projets et le type de projets que je souhaite financer. J’achète alors un suivi et une vérification des crédits Carbone local à l’Arpe et j’achète au porteur de projet les crédits carbone potentiels qui seront délivrés sur plusieurs périodes, selon le type de projet.
Les projets sur lesquels l’Arpe s’engage, quels sont-ils ?
Cette année, c’est sur la plantation de haies champêtres que le dispositif va démarrer. A terme, il y aura d’autres choix. Pour ce premier projet, on travaille avec l’Association française arbres et haies champêtres (Afahc). Il y a des associations de planteurs dans beaucoup de départements qui sont en capacité d’aider les agriculteurs, les entreprises ou les collectivités à planter des haies.
En plus du stockage du carbone, la haie est favorable à la biodiversité, à l’environnement et à l’adaptation au changement climatique. On est en train de déterminer les endroits où les entreprises souhaitent planter. Les premières plantations vont être lancées dans quelques jours, ce système est très réactif.
Les bénéfices environnementaux attendus sont conséquents, et l’on espère que l’investissement de départ sera rentabilisé sur le long terme. Nous pensons que la vente des crédits Carbone local va permettre d’implanter encore plus de haies champêtres car malgré les aides publiques existantes, il n’est pas toujours possible de les financer.
Les projets de compensation seront-ils étendus sur tout le territoire national ?
Oui car de nombreuses entreprises de Midi-Pyrénées travaillent sur plusieurs régions. Il faut qu’elles puissent compenser au plus près de leur activité. Nous sommes très attachés au côté local du crédit carbone, qui demande de trouver des projets de compensation le plus proche possible du lieu des émissions.
Vous travaillez sur l’idée d’une plateforme internet où chacun pourra proposer son propre projet de compensation. Comment seront-ils validés ?
Un comité technique validera les projets en amont : il réunira des acteurs régionaux, des laboratoires, et des organismes de certification. L’Arpe s’engagera ensuite suivre chaque projet et les planteurs de haie garantissent pendant trois ans la bonne implantation de la haie.
Mais le principe même de la compensation carbone ne pousse t-il pas les industriels à ne pas modifier leurs pratiques ? Cela revient à s’acheter une indulgence, non ?
C’est là où nous jouons notre rôle d’acteur régional : l’Arpe sera attentive aux actions entreprises par les financeurs pour réduire ou éviter les émissions de gaz à effet de serre. Un travail avec le ministère autour de la compensation carbone en France est en cours afin que les projets de compensation issus du label Carbone local soient comptés dans l’inventaire national, et qu’à terme, soient détruits des quotas alloués à l’État français par l’Union européenne.
Est ce que les entreprises en Midi-Pyrénées sont sensibles à cette question-là, et quel retour avez-vous ?
Les acteurs socio-économiques sont pour la plupart sensibilisés sur la compensation carbone mais réservés, car il n’existe qu’un dispositif, celui de la compensation nord-sud. Notre projet n’a pas pour but de remettre en cause ce type de projets qui sont toujours utile mais nous voulons proposer une alternative aux entreprises.
La seule alternative dont dispose pour l’instant une entreprise, est de monter son propre projet de compensation en France. C’est ce que peut faire par exemple une coopérative laitière sur sa propre exploitation. Elle organise sa compensation chez elle. Ce sont à ce jour les seuls fonds carbone que l’on peut trouver en France, propres aux entreprises pour leur activité. La Région Midi-Pyrénées a aussi un rôle moteur car elle investit 1 million d’euros par an pour compenser ses émissions : 300.000 euros sur la coopération décentralisée, 700.000 euros sur la meilleure gestion de la forêt en Midi-Pyrénées, pour stocker plus de carbone en région.
Comment allez vous présenter ce dispositif aux entreprises de Midi-Pyrénées ?
Nous avons déjà rencontré quelques entreprises bien implantées dans notre région. Elles sont intéressées parce que le dispositif est innovant et local, en phase avec des besoins d’entrepreneurs. L’agence se positionne en coordinateur neutre, facilitant la mise en relation entre acteurs. L’idée est de proposer des projets à proximité des entreprises, cohérents et durables que l’on peut faire vérifier pour obtenir des crédits Carbone Local.
Propos recueillis par Virginie Mailles Viard
Sur la photo : Julien Lavaud, en charge du projet à l’Arpe Midi-Pyrénées. Crédits : DR.
A quoi sert la compensation carbone ?
La compensation carbone sert à compenser les émissions de gaz à effets de serre d’une structure ou d’un individu en finançant des projets de stockages ou de réductions des émissions de gaz à effet de serre. Mais avant de vouloir compenser ces émissions, il est nécessaire de mettre en œuvre des actions afin de limiter et de réduire ces émissions. La compensation carbone est utilisée pour compenser les émissions de gaz à effet de serre qui ne peuvent pas être réduites ou évitées.