
Christian Brodhag, le président du groupe francophone à l’ISO 26000, revient sur les enjeux de la norme Iso 26000
Comment est née cette toute nouvelle norme ISO 26000 ?
Cette référence commune, adoptée il y a un an à peine par la Communauté internationale, est née après quasi neuf années de travail. Avec 99 pays pour et 5 contre (États-Unis, Cuba, Luxembourg, Turquie et Inde), cette norme a obtenu un large consensus. Et parmi les 18.000 normes ISO existantes, elle est sans doute la plus importante et aussi la plus ambitieuse jamais produite.
Pourquoi est-elle si importante ?
Parce qu’elle engage la responsabilité d’une organisation vis-à-vis de ses impacts, de ses décisions et de son activité sur la société et sur l’environnement par un comportement transparent et éthique, incluant la santé et le bien-être de la société. Autrement dit, elle lie étroitement développement durable et responsabilité sociétale un peu à la façon des poupées russes. Comment ? En prenant en compte non seulement la contribution des entreprises par exemple, mais aussi la responsabilité de l’individu dans ses dimensions de citoyen, de salarié et de consommateur.
Un an après, quel est le bilan chiffré ?
Nous n’en sommes encore pas là. À l’heure actuelle, les grandes entreprises sont plutôt dans la phase où elles analysent leurs points forts et leurs points faibles. Quant aux PME, 80% d’entre elles ne sont déjà pas en conformité en matière environnementale…
Contrairement à l’ISO 9001 par exemple, la norme ISO 26000 n’est pas certifiable... Cela ne va-t-il pas être un frein à sa mise en œuvre sur le terrain ?
Oui, je connais les attentes stratégiques des sociétés... Mais sur quelle base de référence pourrait-on certifier ? Avec cette norme, on voit plus loin ! Aujourd’hui, les entreprises ne prennent bien souvent en compte que le coût des produits. Avec ISO 26000, elles vont avoir une prise en compte d’un coût complet, plus large et à plus long terme. En anticipant aujourd’hui cette réglementation – qui sera le modèle et le niveau de performance en 2050 –, elles seront gagnantes sur tous les tableaux : en interne (innovation, vision éclairée et meilleure gestion des risques, management et loyauté des salariés…) et en externe (gestion de l’image et communication positive, recrutement des jeunes…).
La norme est très large. Comment faire pour l’aborder ?
Ce peut être par la question de l’entreprise (technologie, management, etc.), par le produit ou le service, et par le territoire. À l’entreprise de voir ce qui est plus pertinent pour elle.
Mais sans certificat et sans contrainte – la norme est volontaire –, n’avez-vous pas peur que ça ne prenne pas ?
Ce qui manque aujourd’hui, je le reconnais, c’est un réseau pour la faire fonctionner ! Dans un deuxième temps, on pourra engager des réflexions par territoire (il y a un levier à mobiliser avec les objectifs des marchés publics, d’ailleurs) ou par filière. Dans ce cas, on pourrait alors imaginer certaines obligations de conformité. Tout comme pour éviter le greenwashing, on pourrait, parce qu’on a ce point d’appui concret au niveau international, avoir des garanties pour être sûr que ce qui est dit, est fait !
Propos recueillis par Isabelle Bonnet-Desprez