Charles Dauzet, vous avez publié un texte très complet qui explique la fin de votre start-up, La Boucle Verte. Au final, quel conseil donneriez-vous aux jeunes entrepreneurs de l’économie sociale et solidaire ou de la green tech ?
Il faut se projeter sur le long terme, ne pas essayer de résoudre des problèmes de notre société avec les outils actuels, c’est-à-dire « toujours plus de technologie ». Il ne faut pas proposer des solutions techniques qui permettront in fine de consommer davantage. Par exemple, je dirais qu’il ne sert à rien de s’acharner à trouver des énergies vertes alors que cela n’existe pas. L’idéal est de moins consommer d’énergie, tout simplement. Idem pour le recyclage d’objets peu durables ou jetables, qui n’est pas un secteur d’avenir.
L’avenir doit passer par une consommation sans emballages, des objets durables et réutilisables. Actuellement, selon moi, l’entrepreneuriat devrait s’orienter vers des secteurs plus essentiels comme la santé ou l’alimentation. Prenons des parts de marché sur l’industrie agro-alimentaire en proposant des solutions non polluantes et locales ! Et arrêtons de créer de faux besoins pour caser nos nouvelles technologies.
Vous avez été très médiatisés, remporté plusieurs concours et prix. Comment cela se fait-il qu’autant de personnes aient cru en un projet qui n’était pas viable ?
Il y a quelque chose de contre-productif, voire malsain dans les concours, c’est que certains récompensent davantage la notoriété que la viabilité du projet. Pour départager les candidats, souvent c’est un vote du public sur les réseaux sociaux qui est mis en place ! Mais au final - nous en sommes l’exemple - on peut remporter des concours sans avoir par la suite de clients sur le long terme.
Par ailleurs, il y a un deuxième problème dans les concours : les vainqueurs sont aussi ceux dont le modèle économique est le plus convaincant, indépendamment de leur intérêt sociétal. C’est dommage. Les membres des jurys sont à l’image de la société, pas encore complètement convertis à l’écologie et à un changement de modèle sur le long terme. En conséquence, des projets sans aucun impact positif sont quand même récompensés.
Aujourd’hui, que pensez-vous de l’univers start-up, très mis en avant à Toulouse ?
On était à fond là-dedans et ça nous a un peu dégoûtés. On a tellement bassiné les jeunes avec des rêves d’entrepreneurs géniaux qui, d’un coup, changent le monde, passent de deux à cent salariés, génèrent des fortunes… Tout est fait dans les écoles de commerce et les incubateurs pour nous inculquer ce modèle de réussite. Cela crée un environnement où l’on veut à tout prix réussir sans se poser la question de l’utilité de notre projet pour l’intérêt général.
On créait des choses qui ne servent à rien ou qui sont néfastes, comme toutes ces applications qui participent à l’ubérisation de la société. C’est un monde qui me semble désormais assez superficiel, d’autant plus que l’on sait que seule une start-up sur dix devient vraiment une entreprise pérenne. Même dans la green tech, on utilise de plus en plus d’objets connectés, et on se rend compte que pour les utiliser, il faudra la 5G. C’est sans fin. Je crois que l’esprit start-up n’est pas compatible avec l’esprit écologique.
Propos recueillis par Sophie Arutunian
Sur la photo : Charles Dauzet. Crédits : DR.
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