Une nouvelle preuve, pour ceux qui en doutaient encore, que le temps de l’abondance est derrière nous. Après l’énergie, c’est la gestion en eau qui est sérieusement questionnée face à la raréfaction de la ressource. « Dans la période de recharge des nappes phréatiques, la pluviométrie a été d’environ 30 % moins importante par rapport à la moyenne des années précédentes. La fonte du manteau neigeux a été la plus précoce depuis soixante ans. Or, c’est une réserve très importante d’eau dans la région », indique avec gravité Serge Jacob, secrétaire général de la préfecture de Haute-Garonne.
« Des experts parlent d’un emballement du réchauffement climatique. Il faut agir dans le court terme pour que chacun ait accès à l’eau cet été. Mais le défi est aussi de travailler pour le plus long terme. Ce qui est complexe, c’est que le temps de la réalisation de nouvelles infrastructures se heurte à l’accélération du changement climatique », explique Jean-Michel Fabre, vice-président du conseil départemental de la Haute-Garonne, en charge notamment de la transition écologique, et qui dirige le syndicat mixte d’études et d’aménagement de la Garonne (Smeag).
Cette dernière organisation fait partie avec une dizaine d’autres acteurs [1] du comité Eau de la Haute-Garonne, chargé de la surveillance de la situation hydrologique du département. Celui-ci s’est réuni de manière beaucoup plus fréquente face à un automne et un hiver extrêmement secs. « En Occitanie, sur la question de l’eau, la contestation du barrage de Sivens a changé les choses. Nous avons compris que tous les acteurs devaient travailler ensemble dans le dialogue. C’est le sens du projet du territoire Garon’Amont », analyse le vice-président du conseil départemental. Ce projet recouvre des initiatives de court, mais aussi de long terme.
« Faire baisser de 10 % au minimum la consommation d’eau des citoyens »
Dans l’immédiat, c’est un plan de communication qui est mis en place auprès du grand public afin de sensibiliser à des gestes pour économiser l’eau (réparation des fuites d’eau, utilisation d’une douche d’une durée plus courte, mise en place d’un collecteur d’eau de pluie, utilisation d’une chasse d’eau à double commande, etc.). À partir du 24 mai, la campagne est déployée pendant au moins un mois, notamment sur 3700 panneaux d’affichage, mais aussi sur internet et les réseaux sociaux. L’objectif est au minimum de « faire baisser de 10 % au minimum la consommation d’eau des citoyens ».
Les acteurs du département se sont aussi lancés dans des projets plus structurants et parfois très techniques comme « le rechargement en eau des nappes souterraines qui alimentent la Garonne ». Une expérimentation est en cours depuis ce printemps. Enfin, les discussions sont permanentes avec les agriculteurs, le monde industriel et économique « pour faire émerger des pratiques plus économes en eau ». Côté agriculture, par exemple, « certaines cultures sont un peu délaissées comme le maïs, pour en privilégier d’autres comme le soja », constate le comité Eau de Haute-Garonne.
Dans les semaines à venir, le comité va continuer à se réunir extrêmement souvent. Actuellement en niveau 1 dit de vigilance, la préfecture peut selon l’aggravation de la situation placer le département jusqu’au niveau 4, dit de crise, ce qui aboutirait à des restrictions fortes avec des prélèvements d’eau autorisés seulement pour des usages prioritaires (eau potable, santé et salubrité publique, sécurité civile).
Même si la situation ne monte pas à ce niveau de gravité, la gestion de l’eau est en train de se transformer de manière profonde et dans la durée en Haute-Garonne. « Nous sommes parmi les zones qui vont être les plus concernées par le manque d’eau, car nous devons faire principalement avec des eaux plus en surface que d’autres territoires. Or, ce sont elles qui sont les plus impactées par le changement climatique. Nous sommes en train de passer d’une gestion des niveaux d’eau à une logique de préservation de la ressource », conclut Serge Jacob.
Matthias Hardoy
Sur la photo : la pluviométrie en Garonne a été d’environ 30 % moins importante en 2022 par rapport à la moyenne des années précédentes. Crédit photo : Loïc Bel - CD31.
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Répartition de la consommation d’eau en Occitanie
82 % de la ressource en eau seraient utilisés en Haute-Garonne pour l’irrigation, 15 % pour le grand public et le tertiaire, et 3 % pour l’industrie selon le comité Eau de Haute-Garonne.
Notes
[1] préfecture de la Haute-Garonne, agence de l’eau Adour-Garonne, conseil régional Occitanie, conseil départemental de la Haute-Garonne, Toulouse Métropole, chambres consulaires, ERDF, etc.