
Impossible de visiter l’atelier aveyronnais. Le site reste secret, à l’abri des regards indiscrets. Mais les sacs en cuir épais qui sortent des mains artisanales de l’atelier de Bleu de Chauffe ont tous leur identité propre, ils sont signés de la main de celui qui l’a fabriqué. Une traçabilité qui se retrouve dans l’ensemble de la conception des produits : des sacs de métiers revisités. Les matériaux qui composent le sac “plombier”, le sac à dos “coursier”, ou encore le sac “postier”, viennent de France. Alexandre et Thierry Rousseau, concepteurs de la marque, peuvent faire courir leur doigt sur l’Hexagone : leurs sacs trouvent leur cuir en Lozère, leurs pièces métalliques à Paris, leur coton et feutrine dans le nord de la France. Une large empreinte territoriale qui fait dire à Alexandre Rousseau que Bleu de Chauffe est pleinement « une marque française ».
4000 pièces sortent de l’atelier de Millau

_ Mais c’est bien en Aveyron, à Millau, que Bleu de Chauffe a trouvé les compétences pour remettre au jour un savoir-faire ancestral. Une expérience qui s’est expatriée rappelle Alexandre Rousseau : « Ce savoir-faire a périclité parce que cette industrie s’est délocalisée comme le textile. Nous avons démarré avec deux personnes, puis formé des jeunes pour que notre activité se développe. Nous fabriquions 900 pièces lors du lancement en 2010, nous sommes aujourd’hui à 4000, et nous estimons à 7000 la production de l’année prochaine. »
Des années passées à arpenter le globe « pour de grosses sociétés dans le luxe et le sportswear » ont conduit les créateurs à tourner le dos au modèle industriel dominant. « Nous n’étions pas en adéquation avec le type de pratiques que nous avons pu voir en Asie ou ailleurs. Aujourd’hui 90% de la production mondiale de cuir se trouve au Bangladesh où les conditions sont désastreuses. Bleu de Chauffe est une marque qui réalise de beaux produits, de belle facture, pour l’outdoor et le workwear, grâce au circuit court. Nous faisons redécouvrir aux gens le savoir-faire de proximité, ainsi que le cuir tanné végétal. »
Un cuir travaillé comme autrefois
Placée sous haute surveillance par une législation française stricte, la tannerie française doit limiter l’impact polluant de son activité sur les rivières. L’entreprise décante donc, et retraite l’eau pour la relâcher vierge de toute pollution, et n’utilise pas de chrome, précise Alexandre Rousseau :« Le chrome provoque des allergies. Alors si de fait notre activité de transformation n’est en soi pas écologique, nous la pratiquons de la façon la plus respectueuse possible. Le cuir végétal est donc tanné à partir de composants naturels, comme l’acacia, le châtaigner ou le mimosa, comme on le faisait il y a cent ans. »
Bleu de Chauffe a recréé l’univers du plombier, ou du facteur de 1930. Cette authenticité se retrouve dans la matière même du cuir, épais, « comme on le faisait avant », rappelle Alexandre Rousseau. « Aujourd’hui le cuir n’est plus de cuir, tellement il est rempli de composants chimiques. Nous conservons l’aspect naturel du cuir, une matière pleine fleur, épaisse et qualitative. Notre chef d’atelier était bourrelier, et fabriquait des harnais de chevaux dans du cuir de sanglier ! »
En pleine croissance, Bleu de Chauffe et ses 10 salariés distribuent aujourd’hui leurs sacs en Asie et en Europe. La marque dispose d’une centaine de points de vente, et d’un show-room à Paris. Elle lance dès cette année deux collections par an : printemps-été et automne-hiver. Elle affiche un chiffre d’affaires de 450 000 euros en 2012.
Virginie Mailles Viard
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