Le 24 mai dernier, l’ARS Occitanie a publié les premiers résultats de sa campagne d’analyses des PFAS dans l’eau de consommation débutée en février 2024. Sur 326 prélèvements, 3 dépassent le seuil règlementaire européen [1].
Les PFAS (alkyls perfluorés et polyfluorés) sont des produits chimiques incluant entre 5000 et 10.000 molécules utilisées depuis les années 1950 pour leurs propriétés anti-adhésives et imperméabilisantes. On en retrouve dans des ustensiles de cuisine comme les poêles à frire (notamment dans le Téflon, un revêtement anti-adhésif), des vêtements résistants à l’eau, des tissus résistants aux taches, des cosmétiques, des emballages alimentaires, des traitements anti-buée, et même dans les mousses anti-incendie des pompiers. Les PFAS sont difficiles à éliminer ou à dégrader, voilà pourquoi ils sont parfois qualifiés de « polluants éternels ».
100 000 habitants exposés au Nord de Toulouse
Le point de prélèvement « Gravière Lagarde » (Haute-Garonne) fait partie de ces 3 points [2] où les seuils sont dépassés. Ce point de prélèvement est un captage de secours, utilisé lors de l’arrêt d’activité du canal latéral de la Garonne. Près de 100.000 habitants de plusieurs communes du Nord toulousain consomment cette eau polluée environ un mois par an. La concentration pour la somme des 20 PFAS analysés y est de 751 nanogrammes par litres (ng/L), soit plus de sept fois la limite règlementaire européenne, fixée à 100 ng/L. Or, cette limite est bien inférieure au seuil en vigueur aux États-Unis, où le scandale des PFAS ayant contaminé l’eau potable a été révélé il y a plus de 20 ans, inspirant le film Dark Waters en 2019.
Toujours concernant ce point de captage, pour le seul PFOS (un des 20 PFAS analysés), on observe une concentration de 340 ng/L. « C’est clairement inquiétant » pour Vincent Fauvelle, chargé de recherche à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Interdit depuis 2009 [3] , le PFOS est « un cancérigène certain » ajoute-t-il [4]. « C’est 85 fois plus élevé que ce qui est accepté aux États-Unis dans l’eau potable [4 ng/l pour le PFOS, NDLR] » appuie le chimiste Sébastien Sauvé, de l’Université de Montréal. « Des prélèvements sanguins dans la région permettraient d’avoir une meilleure idée de l’exposition aux PFAS et des risques associés » recommande Marc-André Verner, professeur en santé environnementale à l’Université de Montréal.
Les autres points non conformes ont été recensés à Lunel-Viel dans l’Hérault (dans le mélange de captage les Horts), ainsi que dans le forage du Ratier, qui alimente le grand Narbone (Aude).
Des seuils trop élevés en France
« Aujourd’hui, nos seuils sont bien plus élevés que dans d’autres pays » s’alarme Christine Arrighi, députée écologiste sortante de la 9ème circonscription de la Haute-Garonne. « Il faut absolument réformer la législation qui n’est pas à la hauteur » plaide-t-elle, revandiquant la mise en place d’une taxation « pollueur-payeur » et un contrôle obligatoire des PFAS dans l’eau [5]. "Il y a souvent un lien de cause à effet avec certaines pratiques industrielles" argumente l’élue.
Parmi les solutions pour réduire la concentration en PFAS dans l’eau, pour le cas de Gravière Lagarde, l’ARS Occitanie évoque l’usine de traitement des eaux de Saint-Caprais (Grenade). Celle-ci dispose d’une méthode de traitement à base de charbons actifs en grains (CAG), qui "peut être complété si besoin par une injection de charbons actifs en poudre (CAP) également susceptible de diminuer, au moins en partie, la concentration en PFAS" selon l’ARS. Il existe aussi des pichets filtrants pour enlever les PFAS, mais ceux-ci représentent des coûts et un entretien qui peuvent être prohibitifs.
Après cette campagne de l’ARS Occitanie, la recherche continue au niveau national. L’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) a débuté au mois de mai 2024 une campagne nationale de prélèvements dans l’eau brute et l’eau traitée sur 630 sites (usines de potabilisation), soit un nombre total d’échantillons équivalent à 1260. De quoi mesurer l’ampleur d’une pollution que certains qualifient déjà de "scandale sanitaire".
Zoltan Bach
Sur la photo : Le point de prélèvement « Gravière Lagarde » (Haute-Garonne) fait partie des 3 points où les seuils sont dépassés. Ce point de prélèvement est un captage de secours, utilisé lors de l’arrêt d’activité du canal latéral de la Garonne. crédits : Rémy Gabalda - ToulÉco.
Notes
[1] La directive européenne sur les eaux destinées à la consommation humaine du 16 décembre 2020 fixe les teneurs maximales à respecter pour les eaux potables. La limite de qualité fixée pour l’eau destinée à la consommation dans l’arrêté du 10/01/2023 (un texte de transposition de la directive européenne 2020/2184) est de 0,10 μg/L pour la somme des 20 PFAS les plus « préoccupants »
[2] https://www.occitanie.ars.sante.fr/resultats-de-la-campagne-danalyses-pfas-dans-leau-de-consommation-en-occitanie
[3] Le règlement POP (polluants organiques persistants) issu de la convention de Stockholm (signée par 152 pays en 2001) a interdit le PFOS (acide perfluorooctanesulfonique) depuis 2009, le PFOA (acide perfluorooctanoïque) depuis juillet 2020 et le PFHxS (acide perfluorohexanesulfonique) depuis juin 2022.