Aujourd’hui vous pensez encore que votre paquet de café labellisé « Fairtrade-Max Havelaar » répond aux exigences du commerce équitable défini par les standards internationaux mais demain, le sera-t-il ? En jouant de plus en plus le jeu des multinationales de l’agroalimentaire, l’ONG pionnière du commerce équitable risque fort de vider de sa substance le concept qu’elle a mis 25 ans à construire. Dernière mutation en date, la création d’une version light de son label sur les filières cacao, sucre et coton. Officiellement pour augmenter les volumes de vente des producteurs mais aussi pour concurrencer Rainforest Alliance, le label chouchou des multinationales.
Sur les produits composés contenant du sucre, du cacao ou du coton, les entreprises pourront certifier ce seul ingrédient et non l’ensemble du produit. Le tout en utilisant presque le même logo. Les consommateurs n’y verront que du feu. Une position qui fait bondir deux gersois, la coopérative pionnière du commerce équitable en France Ethiquable et le certificateur Ecocert.
« Alors que le cacao ne représente que 8% du prix de revient d’une tablette de chocolat au lait et que le prix minimum du commerce équitable est actuellement aligné sur les cours mondiaux, les multinationales n’auront que la prime de développement à payer, soit 0,8% du prix de revient. Ce qu’ils recherchent tous, c’est la sécurisation de leurs approvisionnement », s’insurge Rémi Roux, dirigeant d’Ethiquable. Et quid de l’éthique et du projet de développement ? L’entrepreneur dénonce une concurrence déloyale pour les acteurs qui aujourd’hui appliquent les critères du commerce équitable de façon sérieuse et qui sont surtout des petites entreprises.
La voix de l’éthique et de l’exigence
« Ce n’est pas les grandes plantations dans le système du commerce équitable qui favoriseront l’autonomie des populations paysannes, » martèle Rémi Roux qui craint que la prochaine étape d’évolution de Fairtrade Max Havelaar soit l’entrée en 2015 de toutes les grandes plantations dans le système. Actuellement, seules les plantations de banane, de thé et de fleurs sont autorisées actuellement.
Depuis dix ans, la coopérative gersoise ne travaille qu’avec des groupements de petits producteurs qu’elle accompagne vers l’autonomie. Et le cacao est acheté 50% au dessus du prix minimum fixé par les standards internationaux du commerce équitable. Pas étonnant donc qu’Ethiquable se tourne vers d’autres labels que Max Havelaar, plus conformes à sa vision d’un commerce équitable avec les pays du Sud. La moitié des produits d’Ethiquable sont sous label « Producteurs paysans » qui garantit que le produit vient d’une coopérative de producteurs de moins de 15 hectares, ou sous le label « Ecocert Equitable ».
Ce dernier qui ne certifie que des acteurs du bio a effectué sa dernière mue en juin 2013. « On a inscrit le projet de commerce équitable au coeur de la gouvernance de l’entreprise. Sur les pratiques d’achat, l’opérateur en contrat avec des producteurs du commerce équitable doit également prouver de bonnes pratiques contractuelles avec ses autres fournisseurs, » explique Laurent Lefèbvre, responsable du département éthique chez Ecocert. La référence est la norme ISO 26000. Gageons que ces deux fleurons de la Gascogne n’ont pas fini de faire parler d’eux.
Aurélie de Varax
Sur la photo : un producteur de la coopérative UCOCAB en Haïti. Photo Ethiquable.