Cet économiste complet, penché dans ses premières années de recherches sur les rouages de la gestion des risques et de l’environnement, a vu la plupart de ses ouvrages récompensés par ses pairs. Christian Gollier a une position critique sur le Grenelle, qui s’est désengagé de la taxe carbone en la réduisant comme peau de chagrin. Il pose l’équation la plus claire : des pollueurs non taxés n’ont aucune raison d’arrêter de polluer.
- Pourquoi avez-vous accepté de parrainer le Club des Dirigeants Durables ?
Mon objectif est de faire progresser les connaissances scientifiques, mais je ne suis pas un économiste de salon enfermé dans sa tour d’ivoire. Je suis engagé dans mes recherches. Et c’est mon rôle d’intellectuel, de professionnel, que de mettre mes recherches au service de l’Etat, du citoyen, et des entreprises. C’est un juste retour de mon salaire, qui est payé par le contribuable.
- Comment avez-vous franchi dans votre carrière ce qui semble être un grand saut dans l’inconnu : du Cac 40 au réchauffement climatique ?
Le lien est là, dans les deux cas nous sommes dans l’incertitude ! Comment déterminer la meilleure politique de lutte contre le changement climatique ? Ce qui est sûr, c’est que les entreprises ont un rôle central à jouer dans la politique d’émission de CO2. Si elles ne sont pas avec nous, la partie est perdue. L’ignorance reste le problème numéro un. C’est incroyable de voir combien d’actions qui améliorent l’environnement et la stabilité sociale sont aussi profitables pour les entreprises, mais sans qu’on en ait toujours conscience ! Partager les expériences et développer l’expertise sont donc des actions prioritaires.
- Mais comment les aider et les inciter à réguler ces émissions de CO2 ?
Les entreprises n’ont pas directement mission de faire le bien de l’humanité, mais en cherchant leurs profits, elles créent des emplois. J’ai fait partie des auteurs du rapport du GIEC - Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat - et je crois, à l’instar de beaucoup d’économistes, aux systèmes incitatifs, à la carotte et au bâton. On ne peut pas penser relever ce défi planétaire en se basant seulement sur le bon vouloir des acteurs. L’État doit pénaliser ceux qui ne prennent pas en compte la dimension écologique de leur activité.
- N’est-ce pas compliqué pour une entreprise de se projeter dans des bénéfices pour les générations futures ?
C’est tellement complexe qu’on ne lui demande pas ! C’est au contraire aux États de fixer le cap en imposant une valeur sociale au carbone (taxe, permis,…) intégrant l’intérêt des générations futures. Quand ce sera fait, les entreprises n’auront plus à se torturer pour savoir si elles sont responsables. Il leur suffira de tenir compte de ce prix dans leurs coûts et d’en déduire une stratégie, qui sera alors naturellement compatible avec le bien commun.
- Pouvez-vous nous parler du Fonds d’Investissement socialement Responsable ?
Si les épargnants tiennent compte des impacts sociaux et environnementaux de leurs placements, ces fonds seront incités à intégrer ces dimensions extra-financières dans le calcul de la performance de leur portefeuille. Ils orienteront alors les liquidités dans l’économie vers les entreprises les plus responsables, ce qui réduira leur coût du capital. Cela agira comme une incitation à investir plus vert, exactement comme une taxe carbone.
Propos recueillis par Virginie Mailles Viard