Ecouter une conférence de l’économiste Bernard Maris c’est mettre ses pas dans ceux des tribus Navajo dans les plaines, plonger dans l’histoire de la Chine qui inventa l’horloge, la boussole, la porcelaine et la machine à filer le chanvre, celle-là même qui inspirera la machine à vapeur... et donnera naissance à la révolution industrielle.
Ecouter Bernard Maris parler d’environnement, c’est dérouler le fil de l’histoire du capitalisme et convoquer les esprits de Freud, de John Keynes, de René Girard, de Tocqueville, de Marx, de Shakespeare, de Houellebecq. L’entrecroisement, le chevauchement, des sciences de l’histoire, de l’étymologie, de la philosophie, du théâtre, de la littérature, du cinéma, de la politique, innervent ses discours et sa pensée, qui fait dégringoler le mythe de la croissance pour faire place à la connaissance et à la poésie.
Bernard Maris place la redécouverte de la Nature comme but essentiel de notre société. Il souhaitait ardemment que les hommes d’aujourd’hui, à l’instar des indiens Navajo d’autrefois, puissent dire un jour « Nous marchons dans la beauté ». Il appelle à un changement de paradigme pour extirper l’homme de cette fuite en avant qui crée les dettes des générations futures et impose à l’Humanité un sentiment de culpabilité. « La société fait la guerre à la Terre. Elle saccage les forêts, empoisonne les eaux et les océans. Ce sont des dépenses somptuaires. Détruire une forêt, c’est détruire du luxe, de l’exubérance et de la beauté. » Il regrettait que face à cela nous en soyons réduits à inventer le marché des droits à polluer. Les entreprises ne comprennent que cela, disait-il : il faut transformer l’air, l’eau, en marchandise. « Et pourtant, hélas, hélas, il faut absolument que l’air, l’eau, la forêt, le bruit aient un prix, et le plus élevé possible, car les industriels et les consommateurs ne comprennent pas autre chose. Le rêve est que la dépollution devienne business ! » [1].
Ecouter Bernard Maris, c’est prendre un bain de connaissance, qui était aux yeux de cet homo-économicus humaniste, la voie du bonheur. Ainsi l’écrivait-il en 2003 dans la revue Critique d’écologie politique : « Il faut imaginer Sisyphe heureux, disait Albert Camus. Sisyphe est heureux parce qu’il est un éternel élève. Parce qu’il roule, éternellement, le rocher de la connaissance. »
Virginie Mailles Viard
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