
A quelle occasion avez-vous rencontré l’économiste américain Jeremy Rifkin ?
Je m’intéresse aux thèses de Jeremy Rifkin depuis de nombreuses années mais c’est son dernier ouvrage, La troisième révolution industrielle, qui a joué le rôle de déclencheur. J’ai fait venir Jeremy Rifkin pour l’ouverture du World Forum Lille en novembre dernier. Et c’est à cette occasion que la troisième révolution industrielle en Nord de France a été lancée.
En quoi sa théorie vous a-t-elle convaincu ?
Jeremy Rifkin estime que la crise actuelle n’est pas tant la crise de la finance que celle des énergies fossiles. Or, ses recherches l’ont mené à une conclusion : les révolutions industrielles prennent racine dans la combinaison d’un nouveau mode de communication et d’une nouvelle source d’énergie. L’essor conjugué d’Internet et des énergies renouvelables permet donc de préparer l’ère de l’après-pétrole et d’amorcer une troisième révolution industrielle. Celle-ci se décline en cinq piliers : développer les énergies renouvelables ; favoriser les bâtiments producteurs d’énergie ; améliorer le stockage de l’énergie ; collecter et redistribuer l’électricité via des réseaux intelligents ; et brancher les transports sur ces réseaux.
C’est un projet ambitieux. Et qui se prête bien à une gestion régionale puisqu’il s’agit de décentraliser la production d’énergie. Cette production énergétique de proximité, couplée avec un stockage et une distribution améliorés, sera un levier de croissance et de création d’emplois.
Quelles sont les pistes à explorer ?
Les énergies renouvelables sont, par essence, décentralisées. Contrairement aux énergies fossiles qui nécessitent des investissements massifs et sont concentrées en des points géographiques précis, le soleil, le vent, la biomasse sont présents sur toute la surface du globe. Ainsi, chacun peut devenir producteur d’énergie.
Quelles sont alors les applications concrètes ?
Ce réseau énergétique intelligent reliera logements, véhicules, bureaux et usines qui échangeront en permanence des informations et de l’énergie. Il sera également relié à divers outils permettant une adaptation des flux aux évolutions météorologiques ou aux fluctuations de la demande. Une tarification dynamique de l’énergie sera dès lors également possible puisque le vrai prix de l’électricité varie à chaque instant. Des compteurs intelligents permettront d’en connaitre le coût en temps réel. Les consommateurs pourront alors réguler leur consommation d’énergie en fonction du coût et les producteurs connaitre le meilleur moment pour la revendre.
En quoi cette nouvelle production énergétique est créatrice d’emplois ?
Des filières entières vont être stimulées par l’effet d’entrainement de ce nouveau modèle économique. Les énergies fossiles cèderont la place aux renouvelables et les industries énergétiques auront un rôle majeur à jouer, ainsi que toutes les industries liées, notamment celles du transport. Le parc immobilier devra lui aussi être repensé : chaque immeuble deviendra une mini-centrale capable de produire l’énergie sur place. Autant d’opportunités pour les entreprises du bâtiment. Les exemples sont nombreux. Tous ces secteurs seront dynamisés et créeront de l’emploi pour faire face à leurs surplus d’activité. D’ailleurs, une étude de l’US Energy Information Administration datant de janvier 2011 estime qu’en Allemagne, moins de 10% de l’énergie produite par des sources renouvelables a créé presque autant d’emplois que toutes les autres formes d’énergie réunies.
Comment travaillez-vous concrètement avec Jeremy Rifkin ? Quelle approche avez-vous mis en place pour adapter sa théorie au terrain ?
Nous mettons en place une gouvernance régionale à trois niveaux chargée de collaborer avec les équipes de Jeremy Rifkin à la réalisation d’un Master Plan. Un « Forum d’Orientation », que je préside et dont le vice-président est un élu du Conseil régional, Jean-François Caron. Ce forum d’orientation est composé de quatre collèges (économique, élus des territoires, universités/grandes écoles/recherche et société). Un comité de suivi composé de techniciens assure le secrétariat permanent. Enfin, six groupes de travail, correspondants chacun à un pilier de la troisième révolution industrielle réunissent des experts et des entreprises de la région mais aussi d’ailleurs.
Propos recueillis par Virginie Mailles Viard