
Durant ce mois d’octobre, ToulÉco Green vous propose d’entendre la diversité des voix qui posent chacune à leur façon la question de fond des OGM au XXIe siècle : sommes-nous prêts à modifier et à privatiser le vivant ? puis à le retrouver dans nos assiettes ?
Des laboratoires du Criigenn, (Comité de recherche et d’information indépendant sur le génie génétique) sont sortis des rats déformés par deux années d’ingestion de maïs NK 603. Ces tumeurs exposées au grand jour par le chercheur français Gilles-Eric Séralini provoquent l’ire d’une frange de scientifiques, et en contentent une autre.
Il est impossible aujourd’hui pour un simple citoyen de se faire une idée claire sur les OGM. Mais parce qu’ils peuvent faire ou défaire nos idées sur la question, et qu’ils se renvoient les études à la figure, les scientifiques sont au centre du débat. Et s’il vous semble que certains jouent aux apprentis-sorciers dans leur laboratoire, vous en trouverez d’autres pour vous dire que c’est ainsi que le monde avance.
Le consensus qui ressort de ces entretiens est que tous estiment la recherche indispensable, et en choeur la réclament indépendante, transparente.
Une étude controversée
Les détracteurs de Gilles-Eric Séralini lui reprochent les aides de Carrefour et d’Auchan, qui veulent proposer à leur clientèle une nourriture sans OGM. Le dernier ouvrage publié par Sylvie Berthier et Valérie Pean - Les OGM à l’épreuve des arguments - médiatrices à la mission Agrobiosciences, créée par la Région et le ministère de l’Agriculture pour favoriser les échanges sociétaux sur des sujets à controverses concernant les avancées des sciences - compte parmi ses organisateurs des semenciers, les multinationales Monsanto et Syngenta. « Mais nous garantissons notre indépendance éditoriale », précisent les médiatrices. « Dans cet ouvrage, toutes les voix, y compris les plus virulentes contre les OGM, se sont fait entendre. » Leur réaction face à l’étude de Gilles-Eric Séralini est pourtant sans appel : « On ne peut plus faire débat derrière le choc des images. Il y a une telle machinerie médiatique, que même s’il s’avérait que l’étude était totalement fausse, on ne pourrait pas revenir en arrière. Le mal est fait. Il y a de nombreuses critiques sur le protocole, la controverse scientifique est maintenant engagée sur cette étude. »
Une controverse qui reproche entre autres au Criigenn, de ne pas avoir respecté le protocole de l’OCDE, - L’Organisation de coopération et de développement économique - de ne pas être parti des mêmes hypothèses, et d’avoir réalisé une étude qui va au delà des trois mois réglementaires. « Faire plus long, cela implique de chercher autre chose que ce qu’il cherchait. Il fait une étude de cancérogénèse sur deux ans, mais sur des groupes de rats bien insuffisants. En plus, il prend une souche de rats qui n’est jamais utilisée dans ce cas de figure, parce qu’elle a tendance à faire des tumeurs de manière assez importante. Donc, il pose de bonnes questions mais il emploie de mauvaises méthodes. »
« 80% des animaux sont nourris avec des OGM »
Pour Sylvie Berthier et Valérie Pean, le frein réside dans l’approche que certains scientifiques ont à l’égard des OGM : « Ce n’est pas la première fois qu’il publie des études fracassantes, jusque-là elles ont toujours été invalidées par les chercheurs qui les ont expertisées. Il part du principe que les OGM sont mauvais pour la santé, on pourrait partir d’un autre postulat qui est que les OGM sont des aliments comme les autres. Aujourd’hui 80% des animaux sont nourris avec des OGM »
Les médiatrices reconnaissent par ailleurs le manque de transparence des études menées par les semenciers eux-même, et constatent la nécessité d’ « une mise à plat de l’expertise publique : que la recherche publique puisse mener de vraies études avec de vrais moyens selon des protocoles qui soient reconnus par tous. »
Virginie Mailles Viard
Retrouvez la suite du débat sur les OGM posé par ToulÉco Green dans les éditions des jeudis 11 et 18 octobre, avec le point de vue des Faucheurs volontaires et des élus d’Europe Ecologie .
Sur la photo : Valérie Pean et Sylvie Berthier, auteurs de Les OGM à l’épreuve des arguments.